Terrain et médecine chinoise

Comment les médecins chinois arrivent à lire en vous


Santé Corps Esprit mars 2018

Il n’y a pas que les homéopathes et les naturopathes qui travaillent sur le « terrain » du patient. Il est vital en médecine chinoise pour comprendre pourquoi une maladie survient chez un certain type de personnes et surtout pour prévenir l’émergence et le développement de la maladie.

Par Philippe Sionneau. Philippe Sionneau a étudié la médecine chinoise à la Hubei University of Chinese Medicine, à Wu Han. Cet expert en médecine chinoise a déjà publié plus de 25 ouvrages sur le sujet et enseigne cette médecine millénaire à travers le monde.

Le terrain est l’état général du corps avant apparition de la maladie. Cette constitution va influencer la manière dont le corps se défend contre les affections ou favoriser l’apparition de déséquilibres. C’est le terrain qui fait que l’on est résistant aux grippes l’hiver ou au contraire que l’on est sujet à une maladie cardiaque ou rénale. Sachant cela, il est possible de rechercher ses forces et faiblesses afin d’identifier d’une part nos risques de maladies, et d’autre part de prévenir leur apparition. Par son approche globale, la médecine chinoise a développé tout un système d’analyse permettant de connaître nos tendances pathologiques et vitales, système qu’elle utilise pour développer une stratégie de prévention adaptée à notre terrain de base.

Le « terrain » selon la médecine chinoise
Plusieurs paramètres influencent notre terrain. Cependant, nous pouvons dire que quatre facteurs sont plus importants selon la vision chinoise de l’être humain. Nous pouvons les détailler afin de comprendre leur importance pour notre santé.

Le terrain inné : l’essence du ciel antérieur
En médecine chinoise, on distingue deux stades fondamentaux. Le premier comprend tout ce qui relève de l’hérédité et de la constitution de base. C’est ce que les Chinois appellent le « ciel antérieur » (Xian Tian : 先天). Cela fait référence à tout ce qui provient d’avant la naissance. C’est en relation avec l’inné, avec le congénital, avec la constitution de base. Pour être plus précis, les parents lèguent une partie de leur énergie vitale nommée « Jing », ou essence (精). C’est notre héritage « santé ». Cette essence du ciel antérieur est donc porteuse des forces et des faiblesses de notre organisme. C’est ce qui fait qu’une personne naît grande et une autre petite, qu’une autre a tendance à maigrir ou à grossir, à avoir une santé de fer, à être fragile, etc. C’est la facette congénitale et héréditaire de notre terrain. Quand on dit que l’on a depuis toujours une faiblesse du foie ou des problèmes digestifs, c’est très souvent lié à l’essence du ciel antérieur. S’il est difficile de changer cette facette de notre terrain, il est parfois possible de la contrôler, de faire en sorte qu’elle soit moins active.
Les individus qui naissent avec une déficience de l’essence du ciel antérieur ont plus de risques d’être malades. Mais se sachant plus fragiles, et s’ils font attention, certains peuvent avoir une vie plus longue que ceux qui, disposant au départ d’un capital plus important, le dilapident en ayant par exemple une hygiène de vie déplorable.

Le terrain acquis : l’essence du ciel postérieur
Le ciel postérieur (Hou Tian : 后天) fait référence à l’activité postnatale, grâce à laquelle l’individu maintient ses activités physiologiques. Il est en relation avec l’acquis. C’est la manière dont le corps se développe, s’entretient, se défend, grâce essentiellement à l’alimentation et à la respiration. Si l’essence du ciel antérieur constitue notre santé de base, il faut la régénérer, la soutenir par une essence acquise : c’est ce qu’on appelle l’essence du ciel postérieur (Jing Zhi Hou Tian : 后天之精). C’est le Qi (气), l’énergie qui a pour rôle d’assimiler l’essence acquise. Notre santé dépend certes de cette dernière, mais aussi de l’énergie vitale qui donne la force à nos organes, à nos métabolismes, qui produit les liquides organiques, le sang, etc.

Notre santé dépend donc aussi de l’essence acquise. Celle-ci provient principalement de notre alimentation. L’alimentation détermine notre quantité d’énergie et influence notre terrain. C’est pourquoi la diététique chinoise s’est développée afin, non seulement de nous apprendre à bien nous nourrir, mais aussi pour prévenir et guérir les affections. Selon la nature de notre constitution, il est possible d’adapter le contenu de notre assiette afin d’éviter de tomber malade. C’est une manière de contrebalancer nos tendances pathologiques. Enfin, la qualité de l’air que nous respirons participe également à produire une énergie de bonne qualité. En conséquence, bien respirer influence tout comme l’alimentation notre terrain.
Suite sur le post suivant.

À chaque individu son terrain
Il est impossible de dépeindre dans le détail l’ensemble des « terrains » décrits par la médecine chinoise. Quelques exemples à titre illustratif pourront cependant donner une bonne indication de ce qu’ils recouvrent.
Mais comme toute tentative de classification, les descriptions sont théoriques. Dans la vraie vie, nous pouvons cumuler plusieurs terrains et nous retrouver finalement dans plusieurs « cases ». Plus rarement, certaines personnes sont assez neutres et ne présentent qu’une infime partie des signes clés d’une de ces constitutions. Il est à savoir que chacune d’elles fait écho à des conseils d’hygiène de vie, de diététique voire de remèdes à base de plantes afin de maintenir la personne dans un équilibre dynamique et éviter que la tendance ne se transforme en maladie.
Ceux qui ont étudié la médecine chinoise verront que les terrains décrits ci-dessous se rapprochent quelque peu de la notion de « syndrome ».
En fait, le terrain est le stade où le déséquilibre (le syndrome) n’entraîne pas encore de maladie mais où elle se manifeste déjà par des signes spécifiques (voir encadré plus bas).

Et vous, quelle est votre constitution ? (encadré)
Évidemment, il n’est pas nécessaire d’avoir tous les signes décrits ci-après pour appartenir à ce terrain. Cependant, on peut dessiner quelques grandes catégories de constitutions.
■ Vide de Yin
Les personnes dont la constitution dominante serait le vide de Yin présentent les caractéristiques suivantes : maigreur, bouche et gorge sèches, vertiges, insomnie, fièvre hectique ou fébricule, transpiration nocturne, sensation de chaleur dans les paumes de main ou plante des pieds, bouffées de chaleur, pommettes rouges (souvent sur un teint plus pâle), urines foncées et peu abondantes, selles sèches, langue rouge avec peu d’enduit, pouls Xi (fin), Shuo (rapide).
■ Vide de Qi
Il est le propre des personnes fatiguées, au souffle court, à la voix basse et faible, souffrant d’inappétence, au teint pâle et terne, sujettes aux vertiges, aux palpitations cardiaques, à la transpiration spontanée. Elles ont la langue pâle, des pouls Xu (vide), Xi (fin), Wu Li (sans force).
■ Vide de Yang
Une typologie de personnes qui craignent aisément le froid. Elles ont les extrémités froides, le teint pâle, manquent de force, sont facilement fatiguées. Leur souffle est court, leur transpiration spontanée. Elles souffrent d’agueusie, ont les urines claires et abondantes, les selles molles, la langue pâle, les pouls Xu (vide), Chen (profond), Chi (lent) ou Ruo (faible).
■ Vide de sang
Le vide de sang se manifeste par un teint pâle et terne ou ivoire, des lèvres et des ongles pâles, des vertiges, des palpitations cardiaques, des insomnies, un engourdissement des mains et des pieds, une oligoménorrhée (règles peu abondantes), des cycles longs ou une aménorrhée (absence des règles), une langue pâle, des pouls Chen (profond) et Xi (fin).
Ces quatre premiers terrains peuvent s’appliquer à tous les organes et engendrer des « sous-terrains » comme le vide du Yin du poumon, le vide du sang du foie, le vide du Qi de la rate, le vide du Yang des reins.
■ Chaleur dans le sang
Elle s’applique aux personnes présentant les caractéristiques suivantes : agitation mentale, soif sans envie de boire, fièvre ou fébricule la nuit, propension aux hémorragies (épistaxis, purpura, hématurie, selles sanglantes, métrorragie), langue rouge écarlate, pouls Xi (fin) et Shuo (rapide).
■ Sécheresse du sang
Ce type de ter r a in est caractéristique des personnes ayant facilement la bouche et la gorge sèches, la peau sèche, épaisse, rugueuse, des prurits, squames, eczéma sec, les cheveux secs et cassants, constipées, présentant une oligurie, la langue rouge et sèche, les pouls Xian (en corde), Xi (fin), Shuo (rapide).
■ Surpression du foie
Ces personnes sont d’humeur cyclothymique ou dépressive, leurs soupirs sont fréquents. Elles sont enclines aux frustrations, irritables, en colère. Elles présentent des douleurs en distension de la poitrine, de la région thoracique latérale, de l’estomac, de l’abdomen, du petit bassin ou du plexus solaire, des cycles menstruels irréguliers, dysménorrhée, des syndromes prémenstruels, un pouls Xian (en corde).
■ Feu du foie s’enflamme vers le haut
Irritabilité, colères, aggravation des symptômes après colère, insomnie, cauchemars, teint rouge, yeux rouges, enflés, douloureux, céphalées du vertex ou temporales ou oculaires, vertiges, acouphènes avec sons aigus et forts, épistaxis, somnambulisme, bouche amère, gorge sèche, constipation, urines foncées, langue rouge ou points rouges sur les bords, enduit lingual jaune, pouls Xian (en corde) et Shuo (rapide) définissent cette catégorie de patients.
■ Humidité chaleur dans le gros intestin
Ces individus ont généralement des selles d’odeur fétide ou « acides », parfois chaudes, ou pâteuses, ou aqueuses et jaunâtres, souffrent d’une sensation de brûlure de l’anus, de prurit anal ou hémorroïdes, parfois de nausées ou de vomissements. Elles évoquent une sensation de corps lourd, enduit jaune et gras, des pouls Hua (glissant) et Shuo (rapide).
■ Humidité chaleur de la vessie
Les symptômes : mictions pressantes, fréquentes, difficiles, mictions goutte à goutte et en petite quantité, sensation de chaleur à la miction, urines foncées ou troubles, ou sanguinolentes, ou lithiasiques, souvent odorantes, oligurie, langue rouge ou points rouges surtout à la racine de la langue, enduit lingual jaune et gras surtout à la racine de la langue, des pouls Hua (glissant) et Shuo (rapide).
■ Chaleur de l’estomac
Ce terrain correspond à des personnes enclines à une faim importante et fréquente, qui ont soif de boisson fraîche, qui ont facilement la bouche et la gorge sèches, une digestion rapide, elles mangent beaucoup et restent maigres. Elles ont des douleurs épigastriques avec sensation de chaleur, l’haleine fétide, sont constipées, leurs gencives sont tuméfiées et douloureuses ou elles souffrent de gingivorragie, d’aphtes, de gingivite ou stomatite. Leurs lèvres sont sèches ou craquelées, leur langue rouge sèche voire pelée en miroir, enduit jaune, des pouls Shuo (rapide), You Li (avec force).
Philippe Sionneau

ça c'est pour les gens très caractéristiques. Pour ma part, je pourrais piocher un peu dans tous les types... Presque pas chiante, quoi...

Mirzoune a écrit:ça c'est pour les gens très caractéristiques. Pour ma part, je pourrais piocher un peu dans tous les types... Presque pas chiante, quoi...

Je suis comme toi: C'est intéressant à savoir / à lire mais de là à nous mettre dans une case, c'est autre chose. Nous sommes "multi-essences"

Et comme le dit l'auteur:

comme toute tentative de classification, les descriptions sont théoriques. Dans la vraie vie, nous pouvons cumuler plusieurs terrains et nous retrouver finalement dans plusieurs « cases ».

Ce n'est donc pas tellement de savoir dans quelle case on a été rangé qui est important, mais de "deviner" quelle "influence" domine.

Oui moi aussi je suis dans plusieurs catégories, et puis avec notre alimentation ces données ont bien changé.
c'est intéressant cette approche du corps, je m'y retrouve bien mieux que dans le saucissonnage allopathique.

Très interessant cet article sur le médecine traditionnelle chinoise,
qun est il suivi par un médecin qui pratique la MTC pour nous en faire un retour ?

Je vois régulièrement une acupunctrice, médecin de la douleur, pour des névralgies d'Arnold et du trijumeau. C'est efficace mais ça ne "tient" que 15 jours à 3 semaines. Hors contexte inflammatoire, je pense que l'effet serait plus durable...

Heureusement, elle exerce dans un centre médical qui pratique le ticket modérateur.

J'ai aussi tenté l'acupuncture, mais ça ne m'a rien apporté. J'aimerai trouvé un professionnel de la medecine traditionnelle chinoise (dans toutes ses dimensions), mais en Haute Garonne, ça ressemble à la recherche de l'oiseau rare...

Certes! Et en plus, tu risques de tomber sur un escroc. Essaie plutôt du côté des médecins de la douleur, une discipline assez récente. Nombreux sont ceux qui se sont formés aux thérapies complémentaires, souvent plus efficaces sur les douleurs chroniques que les traitements médicamenteux...