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Divers 1: Économie & politique.
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Divers 1: Économie & politique.
La Sûreté de l’État met en garde contre les smartphones chinois
Si l’on en croit la Sûreté de l'État, il existe une "interaction systématique et profonde entre les entreprises et le gouvernement chinois". C’est ce que révèle une réponse donnée par le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (belgique), au parlementaire N-VA Michael Freilich.
Source : BELGA, relayé par RTBF – 31/07/21
Les services de renseignement belges incitent à la vigilance face à des soupçons d’espionnage. Il existerait une "interaction systématique et profonde" entre les entreprises Xiaomi, Oppo, OnePlus et le gouvernement chinois.
Les smartphones des marques chinoises Xiaomi, Oppo et OnePlus sont très populaires auprès des consommateurs belges, mais la Sûreté de l’Etat met en garde contre des risques d’espionnage. Si l’on en croit les services de renseignement, il existe une "interaction systématique et profonde entre ces entreprises et le gouvernement chinois". C’est ce que révèle une réponse donnée par le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (Open VLD), au parlementaire N-VA Michael Freilich.
Lire aussi:
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De plus en plus de Belges possèdent un smartphone de marque Xiaomi, Oppo ou OnePlus, en particulier depuis que l’autre fabricant chinois, Huawei, ne peut plus utiliser le système d’exploitation Android de Google à cause des sanctions américaines. À la fin de l’an dernier, Xiaomi serait même devenue la troisième plus grande marque de smartphone en Belgique après Samsung et Apple. Et ce succès peut conduire à l’achat d’autres produits numériques des mêmes marques chinoises.
La porte-parole de la Sûreté de l’État, Ingrid Van Daele, explique pourquoi le service de renseignement met en garde contre les smartphones chinois, même si aucun cas concret d’espionnage n’a pu être identifié. "Nous souhaitons attirer l’attention des consommateurs sur la menace potentielle d’espionnage en cas d’utilisation de ces appareils. Nous leur conseillons donc d’être vigilants. En plus de la confusion entre ces entreprises et les autorités chinoises, d’autres pays (notamment les Pays-Bas et les États-Unis, ndlr) ont déjà exprimé leurs inquiétudes par rapport aux entreprises de télécoms chinoises et aux risques en matière de respect de la vie privée et de sécurité nationale."
Commentaire perso : Il est couramment admis que l’Etat chinois exerce une ingérence dans le capital de certaines entreprises internationales, à majorité chinoise. Et comme en Chine l’économie est subordonnée à « l’idéologie », il n’y a qu’un pas que certains franchissent allègrement. Si vous n’ êtes pas tout à fait convaincu du contingentement, regardez du côté de l’entreprise chinoise Tencent. Modification de la législation sur les organismes dispensant des cours privés. Pour pouvoir continuer à dispenser ces cours privés (très répandus en Chine), l’entreprise doit être sans but lucratif et obtenir une agréation. Or les cours coûtent en général 100 € de l’heure et les parents, des classes sociales favorisées, dépensent en moyenne 1.000 € par mois pour leur enfant (souvent unique). Enseignement parallèle en extension (indépendant du pouvoir ?).
Il y a une intervention croissante pour réguler le marché. « Les autorités chinoises se focalisent sur les données qui donnent du pouvoir aux sociétés technologiques car elles représentent donc une menace pour elles. » L’Echo.be
Autre exemple : Jack Ma, fondateur d’Alibaba Group, a disparu de la scène publique depuis fin octobre 2020. Mise au pas pour réguler les géants de l’internet. Faites une recherche avec « Disgrâce et disparition du milliardaire Jack Ma », si vous doutez.
Si l’on en croit la Sûreté de l'État, il existe une "interaction systématique et profonde entre les entreprises et le gouvernement chinois". C’est ce que révèle une réponse donnée par le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (belgique), au parlementaire N-VA Michael Freilich.
Source : BELGA, relayé par RTBF – 31/07/21
Les services de renseignement belges incitent à la vigilance face à des soupçons d’espionnage. Il existerait une "interaction systématique et profonde" entre les entreprises Xiaomi, Oppo, OnePlus et le gouvernement chinois.
Les smartphones des marques chinoises Xiaomi, Oppo et OnePlus sont très populaires auprès des consommateurs belges, mais la Sûreté de l’Etat met en garde contre des risques d’espionnage. Si l’on en croit les services de renseignement, il existe une "interaction systématique et profonde entre ces entreprises et le gouvernement chinois". C’est ce que révèle une réponse donnée par le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (Open VLD), au parlementaire N-VA Michael Freilich.
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De plus en plus de Belges possèdent un smartphone de marque Xiaomi, Oppo ou OnePlus, en particulier depuis que l’autre fabricant chinois, Huawei, ne peut plus utiliser le système d’exploitation Android de Google à cause des sanctions américaines. À la fin de l’an dernier, Xiaomi serait même devenue la troisième plus grande marque de smartphone en Belgique après Samsung et Apple. Et ce succès peut conduire à l’achat d’autres produits numériques des mêmes marques chinoises.
La porte-parole de la Sûreté de l’État, Ingrid Van Daele, explique pourquoi le service de renseignement met en garde contre les smartphones chinois, même si aucun cas concret d’espionnage n’a pu être identifié. "Nous souhaitons attirer l’attention des consommateurs sur la menace potentielle d’espionnage en cas d’utilisation de ces appareils. Nous leur conseillons donc d’être vigilants. En plus de la confusion entre ces entreprises et les autorités chinoises, d’autres pays (notamment les Pays-Bas et les États-Unis, ndlr) ont déjà exprimé leurs inquiétudes par rapport aux entreprises de télécoms chinoises et aux risques en matière de respect de la vie privée et de sécurité nationale."
Commentaire perso : Il est couramment admis que l’Etat chinois exerce une ingérence dans le capital de certaines entreprises internationales, à majorité chinoise. Et comme en Chine l’économie est subordonnée à « l’idéologie », il n’y a qu’un pas que certains franchissent allègrement. Si vous n’ êtes pas tout à fait convaincu du contingentement, regardez du côté de l’entreprise chinoise Tencent. Modification de la législation sur les organismes dispensant des cours privés. Pour pouvoir continuer à dispenser ces cours privés (très répandus en Chine), l’entreprise doit être sans but lucratif et obtenir une agréation. Or les cours coûtent en général 100 € de l’heure et les parents, des classes sociales favorisées, dépensent en moyenne 1.000 € par mois pour leur enfant (souvent unique). Enseignement parallèle en extension (indépendant du pouvoir ?).
Il y a une intervention croissante pour réguler le marché. « Les autorités chinoises se focalisent sur les données qui donnent du pouvoir aux sociétés technologiques car elles représentent donc une menace pour elles. » L’Echo.be
Autre exemple : Jack Ma, fondateur d’Alibaba Group, a disparu de la scène publique depuis fin octobre 2020. Mise au pas pour réguler les géants de l’internet. Faites une recherche avec « Disgrâce et disparition du milliardaire Jack Ma », si vous doutez.
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LucH
« La pratique, c’est quand tout fonctionne et que personne ne sait pourquoi. »
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Comprendre l’économie chinoise – 2ème économie mondiale – en phase de décélération
Comprendre l’économie chinoise – 2ème économie mondiale – en phase de décélération.
« Nous vivons la dernière année du modèle de croissance chinois. »
Michael PETTIS, professeur de finance à l’Université de Pékin, n’exclut pas que la Chine se trouve à la veille de plusieurs années de croissance molle: de 2 à 3% au lieu de la moyenne de 7,7% qu’elle a connue pendant la période 2010-2019.
Source : L’Echo – Kris VAN HAMME. 06/08/22
Idées clés
Le modèle de croissance chinois est arrivé à son terme. Les investissements dans l’immobilier et les infrastructures ne compensent plus le niveau élevé de la dette. Le pouvoir central chinois l’a bien compris. Il faut maintenant basculer vers une économie basée sur la consommation privée, si le PIB chinois veut croître encore. Sinon, ce sera la stagnation.
Les contraintes actuelles n’arrangent pas les choses (crise immobilière, Covid et tensions géopolitiques), mais le pouvoir chinois tend à circonvenir les problèmes. Cela peut prendre du temps, surtout au niveau des pouvoirs locaux : Changement du paradigme de croissance : Les citoyens et les paysans devraient recevoir les bénéfices de la croissance, et non plus les investisseurs associés aux pouvoirs locaux des grandes villes.
"Le passage à un nouveau modèle de croissance équilibrée est généralement combattu par de puissants groupes d'intérêt."
Tant que la croissance restera alimentée par les investissements dans les infrastructures – il y a une limite au bénéfice retiré lorsque les villes sont bien équipées – et non par la consommation des ménages, l’économie chinoise ne sortira pas de ces « gaspillages improductifs ». L’endettement du pays – en tant que pourcentage du PIB – augmente car ces investissements ne sont plus assez productifs.
Les investisseurs doivent-ils craindre d’investir en Chine ? (L'indice CSI 300 des principales capitalisations de Chine continentale vient de perdre 30 % le mois dernier).
En chine, les cours des actions sont surtout déterminés par la liquidité sous-jacente et par les messages envoyés par le gouvernement…
Article
C’est la fin du miracle de la croissance. "La Chine a poussé son modèle jusqu’à des extrêmes sans précédent", explique Michael Pettis, professeur de finance à l'Université de Pékin.
Cette semaine, la Chine a, une fois de plus, dominé l’actualité avec sa démonstration de force face à Taïwan et aux États-Unis. Suite à la visite, à Taïwan, de la haute responsable politique américaine Nancy Pelosi, la Chine – qui revendique la souveraineté sur l’île – a brandi la menace "de conséquences graves".
La bourse chinoise a immédiatement plongé alors qu’elle avait déjà connu un mois de juillet déplorable. Ou plutôt, 18 mois lamentables: depuis son pic en février 2021, l’indice CSI300 a perdu près de 30%.
Les investisseurs n’ont pas attendu la dose de rappel de tensions géopolitiques et d’incertitudes provoquée aujourd’hui par Taïwan. Ils ont déjà d’autres chats à fouetter: le ralentissement important de la croissance chinoise (0,4% au cours du dernier trimestre), les strictes mesures de confinement, la surchauffe du marché de l’immobilier, en train de s’effondrer, et l’avalanche de réglementations contre les sociétés internet chinoises.
Michael Pettis n’est pas surpris par la tempête qui frappe aujourd’hui l’économie chinoise. De son poste d’observation privilégié en tant que professeur de finance à la prestigieuse Université de Pékin, il brandit, depuis plusieurs années, le spectre des limites du modèle de croissance chinois. "Il y a une dizaine d’années, lorsque j’ai commencé à parler des déséquilibres et de la hausse importante de l’endettement de l’économie chinoise, de nombreuses voix se sont élevées pour me qualifier d’excentrique", raconte Pettis. "Les étrangers en particulier disaient que je me trompais à propos de ces dettes, parce que les Chinois ne souhaitaient soi-disant pas de dettes. C’est du non-sens, bien entendu."
Aujourd’hui, son analyse est presque devenue banale, souligne-t-il, y compris dans les cercles entourant la banque centrale chinoise. Voilà pourquoi il peut se permettre, plus que d’autres, de parler franchement de l’économie chinoise.
Pettis est l'un des observateurs les plus pertinents de la Chine. Il compte de nombreux "followers", même si, en tant que résident, il doit s’abstenir de formuler toute déclaration à caractère politique. Sa clairvoyance, face aux problèmes de la Chine, s’explique par son expérience antérieure avec l’Amérique Latine. Avant de se lancer, il y a 20 ans, dans une nouvelle carrière de professeur d’université en Chine, il a travaillé à Wall Street en tant que spécialiste des marchés d’Amérique Latine. Il a appris à bien connaître l’économie des pays en développement, y compris les pièges classiques. "Ce qui se passe aujourd’hui en Chine n’est pas nouveau. Il existe de nombreuses versions de cette histoire", explique-t-il.
Et chacune de ces histoires se termine par des bouleversements douloureux et un marasme économique. Pour cette année, les économistes s’attendent à ce que la Chine atteigne péniblement une croissance de 4%, soit bien moins que les 5,5% attendus.
Pettis se montre encore plus pessimiste. Il n’exclut pas que la Chine se trouve à la veille de plusieurs années de croissance molle: de 2 à 3% au lieu de la moyenne de 7,7% qu’elle a connue pendant la période 2010-2019 et des 10,4% de moyenne de la décennie précédente. La Chine est le nouveau Japon, un autre pays qui a vu son miracle économique se crasher, et qui se trouve coincé depuis plusieurs décennies dans le bourbier de la stagnation économique.
L’économie chinoise semble aujourd’hui dans l’œil du cyclone: mesures de confinement dues au covid-19, crise de l’immobilier, tensions géopolitiques. Combien de temps l’économie pourra-t-elle encore résister?
Nous n’avons pas encore tout vu. Toutes ces choses qui se sont passées au cours des deux dernières années n’ont fait qu’accélérer un processus déjà en cours. Le cœur du problème est le caractère intenable du modèle de croissance chinois. De nombreux pays ont déjà suivi ce modèle – le Japon dans les années 1980, le Brésil et l’Union Soviétique dans les années 1950 et 1960 – mais la Chine l’a poussé à l’extrême.
C’est un modèle d’importants excédents d’épargne et d’investissements élevés: le pays augmente la part de l’épargne et utilise cet argent pour des investissements domestiques. Cela se fait au détriment des ménages, qui reçoivent en retour une partie moins élevée du gâteau économique – le PIB – et qui consomment moins. La croissance économique est ici principalement alimentée par les investissements – par exemple dans les infrastructures – et non pas par la consommation des ménages.
Est-ce nécessairement une mauvaise chose?
Comme c’est le cas de nombreuses questions en sciences économiques, la réponse est ‘cela dépend’. Dans les années 1970, au moment où la Chine a commencé à se réformer, elle sortait de 50 ans de guerre, de guerre civile et de maoïsme. Sur le plan économique, elle faisait partie des pays les plus pauvres de la planète, avec d’énormes besoins d’investissements: il n’y avait pas de métro, le réseau routier était déplorable, elle comptait très peu d’usines. Le modèle de croissance adopté par les dirigeants a bien réussi sur le plan des investissements. Il y a certainement eu du gaspillage, mais la plupart furent productifs et ont boosté la croissance et la prospérité.
Le problème c'est, qu’à un moment donné, vous avez comblé le fossé entre les investissements dont le pays a besoin et les investissements existants. Ce niveau optimal varie d’un pays à l’autre et se situe pour la Chine à un niveau inférieur à celui des riches pays occidentaux. La Chine a atteint ce niveau il y a une quinzaine d’années. Si le pays continue à investir à tour de bras, de plus en plus de ces investissements sont du gaspillage: leur rendement économique ne compense pas leur coût. Après tout, on n’a besoin que d’un nombre limité de ponts.
Ce qui se passe aujourd’hui en Chine ressemble à s’y méprendre à ce qui est arrivé dans tous les pays ayant suivi ce modèle de croissance: l’endettement du pays – en tant que pourcentage du PIB – augmente. Auparavant, les dettes augmentaient déjà, mais vu qu’il s’agissait d’investissements productifs, le PIB augmentait au moins autant: le taux d’endettement restait donc stable voire diminuait.
La hausse du taux d’endettement signifie-t-elle qu’il faut changer son fusil d’épaule?
Vous devez changer de modèle et remplacer les investissements par une autre source de croissance économique. C’est possible en favorisant la consommation des ménages mais, pour cela, vous devez leur rendre une partie plus importante du PIB. Cela peut sembler facile, mais le problème est que, dans ce cas, vous devez réduire la part d’un autre groupe. Il peut s’agir soit des riches – qui dépensent un plus petit pourcentage de leurs revenus – soit des entreprises, ou encore de l’État. Dans le cas de la Chine, ce transfert de revenus doit venir des autorités locales (qui ont joué un rôle important au cours de la dernière décennie en tant que centre de pouvoir économique, ndlr) (NDLR = L’Echo).
Ce basculement est très difficile. Il y a plusieurs dizaines d’années, l’économiste Albert Hirshman estimait que le passage nécessaire vers un nouveau modèle de croissance équilibré était rendu plus difficile par l’opposition de puissants groupes d’intérêts qui profitaient de l’ancien modèle.
Est-ce la raison pour laquelle nous entendons parler, depuis dix ans, de plans destinés à réorienter l’économie chinoise vers la consommation des ménages, sans résultats significatifs jusqu’à présent?
C’est facile d’un point de vue économique. Mais c’est un problème politique. Vous devez appauvrir les pouvoirs publics locaux au profit des ménages, par exemple en les obligeant à payer de meilleures pensions. Ils pourraient également construire des appartements bon marché et les revendre à prix avantageux aux plus pauvres, ou donner accès aux paysans aux mêmes programmes sociaux que les citadins.
Il faut entièrement faire basculer la structure de pouvoir sous-jacente, ce qui représente un énorme défi. Il ne faut d’ailleurs pas regarder du côté des entrepreneurs de l’internet comme Jack Ma (qui a été durement attaqué par le Parti Communiste, ndlr). Les personnes les plus riches et les plus puissantes ne font pas partie du monde de l’internet, mais évoluent dans des secteurs fossilisés comme celui de la construction.
La réalité, c'est qu’aucun pays ayant suivi ce modèle de croissance n’a réussi à basculer vers une économie basée sur la consommation et la grande majorité d’entre eux s'est retrouvée confrontée à une grave crise financière et/ou à une longue période de croissance apathique.
La Chine se trouve aujourd’hui dans la dernière phase du modèle. Au cours de la première phase, le pays réalise des investissements productifs et connaît une croissance rapide et saine. Dans la deuxième phase, les investissements sont improductifs et la croissance est malsaine. Aujourd’hui, le moment d’un changement douloureux est arrivé parce qu’il n’est plus tenable de réaliser d’importants investissements. L’année 2022 est probablement la dernière année de ce modèle de croissance en Chine.
Sur quoi vous basez-vous pour cette prédiction?
Depuis la pandémie, le ratio d’endettement chinois s’est accéléré. En 2020, il a bondi de 27 points de pourcentage, soit beaucoup plus que la moyenne annuelle de 6 à 7 points de pourcentage. Cette année, entre et 15 points de pourcentage devraient s’y ajouter, ce qui réduit le temps dont la Chine dispose pour s’adapter. Les mesures prises par le gouvernement chinois sont aussi un signe.
Les deux principaux moteurs de l’endettement chinois et des mauvais investissements étaient les infrastructures et l’immobilier. L’an dernier, Pékin a finalement pris des mesures importantes dans le secteur immobilier (en limitant la hausse de l’endettement des promoteurs immobiliers, ndlr). Les dégâts qui en résultent sont énormes, et nous n’avons encore rien vu. Mais cela montre également que les dirigeants chinois ont compris que les choses ne pouvaient pas continuer ainsi.
La crise de l’immobilier a atteint une nouvelle phase. Dans tout le pays, les acheteurs refusent de rembourser leur crédit hypothécaire étant donné que nombreux projets de construction sont à l’arrêt. Faut-il s’en inquiéter?
L’histoire économique nous a appris que toute implosion du marché immobilier était douloureuse. L’immobilier chinois est devenu incroyablement cher: il vaut dans son ensemble trois fois plus que l’immobilier en Europe, alors que l’économie européenne est plus importante que celle de la Chine.
C’est ce qui se passe lorsqu’on a l’impression que les prix de l’immobilier ne peuvent qu’augmenter: les gens adaptent leur comportement. Tout d’un coup, tout le monde emprunte un maximum pour acheter le plus grand appartement possible. Idem pour les promoteurs qui s’endettent à tour de bras. Cette spirale s’est maintenue jusqu’à ce que le gouvernement fixe des limites.
Devons-nous nous attendre à une crise bancaire chinoise étant donné que les banques devront peut-être faire face à de nombreux défauts de paiement?
Une crise bancaire me semble peu probable. Une partie importante du système bancaire chinois est un ensemble fermé et les autorités de contrôle ont énormément de pouvoir. Elles pourront donc restructurer les dettes à volonté si nécessaire. Pour de nombreux observateurs, c’est une bonne chose, même si on peut en douter. Cela pourrait être positif à court terme d’un point de vue politique et social.
Prenez le Japon qui, après l’explosion de la bulle spéculative au début des années 1990, n’a jamais connu de véritable crise bancaire. Mais à long terme, c’est devenu un véritable fardeau pour l’économie japonaise. Je suis d’accord avec les économistes qui disent qu’une crise est une solution douloureuse, mais rapide. L’alternative consiste à éviter la crise et à faire du sur place pendant de nombreuses années, ce qui est plus dommageable à long terme.
Comment voyez-vous la suite pour la Chine?
La Chine peut emprunter l'une des cinq voies suivantes: soit continuer ainsi et voir exploser sa dette, soit remplacer les investissements improductifs par davantage de consommation, soit augmenter les exportations nettes, soit réaliser des investissements productifs dans la technologie, soit supprimer les investissements non productifs sans les remplacer. Dans ce dernier scénario, la croissance ralentira inévitablement. C’est le scénario suivi par les autres pays qui se sont retrouvés dans la même situation.
Le problème posé par le remplacement des mauvais investissements dans l’immobilier et les infrastructures, c'est qu’ils représentent une partie importante de l’économie chinoise. Les investissements chinois équivalent à 40-45% du PIB, ce qui est exceptionnellement élevé par rapport à une fourchette de 15 à 20% en Europe et aux États-Unis, et entre 30 et 35% pour les pays qui investissent beaucoup.
Dans les 40-45%, une partie importante sont des investissements dans l’immobilier et les infrastructures. Même s’ils investissent massivement dans la technologie, ils ne pourront jamais compenser la différence. Le secteur technologique représente généralement une petite partie de l’économie et c’est particulièrement vrai en Chine.
Pour une grande économie comme la Chine, il n’est plus possible d’augmenter encore l’excédent commercial (en exportant encore plus qu’elle n’importe, ndlr) car le monde ne pourra tout simplement pas absorber ce volume supplémentaire. Il n’est possible d’éviter le cinquième scénario que si le pays réussit une redistribution massive des revenus ou s’il parvient d’une manière ou d’une autre à créer une nouvelle et importante source d’investissements productifs.
Certains pensent que cette source pourrait être le big data et l’intelligence artificielle…
Le big data et l’intelligence artificielle peuvent sembler sexy, mais il faut se montrer raisonnable. Même dans un pays puissant comme les États-Unis, ces secteurs représentent une partie négligeable de l’économie. En outre, toutes les big data ne sont pas productives.
Le gouvernement chinois a récemment abandonné son objectif de croissance de 5,5% pour cette année. Aujourd’hui, ce chiffre semble plutôt servir de ligne directrice et non plus d’objectif pur et dur pour les gouvernements locaux. Est-ce une évolution dans le bon sens ou simplement une façon d’annoncer que la croissance sera plus faible?
Cela fait des années que les dirigeants chinois, qui connaissent bien l’économie, plaident pour qu’on abandonne ces objectifs de croissance économique. Quel est le pays qui utilise encore ce type d’objectif? Décider en décembre de la croissance du PIB pour l’année suivante? Cela provoque de la croissance malsaine à cause d’un gaspillage de moyens. Si vous y arrivez avec une croissance saine, c’est très bien, mais ce n’est jamais le cas. Si la pratique perdure, c’est parce qu’elle représente un point de repère économique pour les décideurs politiques.
Faut-il conclure de votre analyse que la Chine se retrouvera piégée dans le célèbre "middle income trap", en d’autres termes, le fait que la plupart des pays émergents ne réussissent pas à faire le saut pour rejoindre le club des pays riches?
Je considère le "middle income trap" comme un concept douteux. Il signifie différentes choses suivant le contexte. Vous pouvez dire que l’Allemagne en est victime. Elle dispose d’un important surplus d’épargne, pas parce que c’est culturel, mais parce que le gâteau économique réservé aux travailleurs est mis sous pression au bénéfice de la compétitivité de son économie exportatrice.
Les travailleurs allemands gagnent beaucoup moins que leurs homologues britanniques par rapport à leur productivité. Pour corriger cette situation et encourager davantage la consommation domestique, il faudrait détricoter à court terme le secteur exportateur. Cela provoquerait beaucoup de résistance. Le Japon connaît la même situation, avec un secteur de l’exportation qui ne réussit pas à franchir le pas vers des salaires plus élevés.
Pour conclure: quid des investisseurs? Doivent-ils rester à bonne distance des actions chinoises ou bien est-ce injustifié compte tenu de la taille du marché?
Le problème avec les actions chinoises, c'est qu’il n’existe pas de lien fort avec la croissance du PIB ni avec les bénéfices des entreprises. En Chine, les cours des actions sont surtout déterminés par la liquidité sous-jacente et par les messages envoyés par le gouvernement. Ce dernier point souligne l’importance de suivre attentivement la politique chinoise.
Quoi qu’il en soit, la Chine demeure une gigantesque économie, avec certaines actions qui devraient très mal se porter dans les années à venir et d’autres qui se comporteront très bien. La décision d’y investir dépend de votre capacité à faire face aux incertitudes économiques et à comprendre l’économie chinoise.
Le résumé
§ Michael Pettis, professeur de finance à l'Université de Pékin, n’exclut pas que la Chine se trouve à la veille de plusieurs années de croissance molle: de 2 à 3% au lieu de la moyenne de 7,7% qu’elle a connue pendant la période 2010-2019.
§ "Aujourd’hui, le moment d’un changement douloureux est arrivé parce qu’il n’est plus tenable de réaliser d’importants investissements. L’année 2022 est probablement la dernière année de ce modèle de croissance en Chine."
§ "Pour une grande économie comme la Chine, il n’est plus possible d’augmenter encore l’excédent commercial car le monde ne pourra tout simplement pas absorber ce volume supplémentaire."
§ "En Chine, les cours des actions sont surtout déterminés par la liquidité sous-jacente et par les messages envoyés par le gouvernement. Ce dernier point souligne l’importance de suivre attentivement la politique chinoise."
« Nous vivons la dernière année du modèle de croissance chinois. »
Michael PETTIS, professeur de finance à l’Université de Pékin, n’exclut pas que la Chine se trouve à la veille de plusieurs années de croissance molle: de 2 à 3% au lieu de la moyenne de 7,7% qu’elle a connue pendant la période 2010-2019.
Source : L’Echo – Kris VAN HAMME. 06/08/22
Idées clés
Le modèle de croissance chinois est arrivé à son terme. Les investissements dans l’immobilier et les infrastructures ne compensent plus le niveau élevé de la dette. Le pouvoir central chinois l’a bien compris. Il faut maintenant basculer vers une économie basée sur la consommation privée, si le PIB chinois veut croître encore. Sinon, ce sera la stagnation.
Les contraintes actuelles n’arrangent pas les choses (crise immobilière, Covid et tensions géopolitiques), mais le pouvoir chinois tend à circonvenir les problèmes. Cela peut prendre du temps, surtout au niveau des pouvoirs locaux : Changement du paradigme de croissance : Les citoyens et les paysans devraient recevoir les bénéfices de la croissance, et non plus les investisseurs associés aux pouvoirs locaux des grandes villes.
"Le passage à un nouveau modèle de croissance équilibrée est généralement combattu par de puissants groupes d'intérêt."
Tant que la croissance restera alimentée par les investissements dans les infrastructures – il y a une limite au bénéfice retiré lorsque les villes sont bien équipées – et non par la consommation des ménages, l’économie chinoise ne sortira pas de ces « gaspillages improductifs ». L’endettement du pays – en tant que pourcentage du PIB – augmente car ces investissements ne sont plus assez productifs.
Les investisseurs doivent-ils craindre d’investir en Chine ? (L'indice CSI 300 des principales capitalisations de Chine continentale vient de perdre 30 % le mois dernier).
En chine, les cours des actions sont surtout déterminés par la liquidité sous-jacente et par les messages envoyés par le gouvernement…
Article
C’est la fin du miracle de la croissance. "La Chine a poussé son modèle jusqu’à des extrêmes sans précédent", explique Michael Pettis, professeur de finance à l'Université de Pékin.
Cette semaine, la Chine a, une fois de plus, dominé l’actualité avec sa démonstration de force face à Taïwan et aux États-Unis. Suite à la visite, à Taïwan, de la haute responsable politique américaine Nancy Pelosi, la Chine – qui revendique la souveraineté sur l’île – a brandi la menace "de conséquences graves".
La bourse chinoise a immédiatement plongé alors qu’elle avait déjà connu un mois de juillet déplorable. Ou plutôt, 18 mois lamentables: depuis son pic en février 2021, l’indice CSI300 a perdu près de 30%.
Les investisseurs n’ont pas attendu la dose de rappel de tensions géopolitiques et d’incertitudes provoquée aujourd’hui par Taïwan. Ils ont déjà d’autres chats à fouetter: le ralentissement important de la croissance chinoise (0,4% au cours du dernier trimestre), les strictes mesures de confinement, la surchauffe du marché de l’immobilier, en train de s’effondrer, et l’avalanche de réglementations contre les sociétés internet chinoises.
Michael Pettis n’est pas surpris par la tempête qui frappe aujourd’hui l’économie chinoise. De son poste d’observation privilégié en tant que professeur de finance à la prestigieuse Université de Pékin, il brandit, depuis plusieurs années, le spectre des limites du modèle de croissance chinois. "Il y a une dizaine d’années, lorsque j’ai commencé à parler des déséquilibres et de la hausse importante de l’endettement de l’économie chinoise, de nombreuses voix se sont élevées pour me qualifier d’excentrique", raconte Pettis. "Les étrangers en particulier disaient que je me trompais à propos de ces dettes, parce que les Chinois ne souhaitaient soi-disant pas de dettes. C’est du non-sens, bien entendu."
Aujourd’hui, son analyse est presque devenue banale, souligne-t-il, y compris dans les cercles entourant la banque centrale chinoise. Voilà pourquoi il peut se permettre, plus que d’autres, de parler franchement de l’économie chinoise.
Pettis est l'un des observateurs les plus pertinents de la Chine. Il compte de nombreux "followers", même si, en tant que résident, il doit s’abstenir de formuler toute déclaration à caractère politique. Sa clairvoyance, face aux problèmes de la Chine, s’explique par son expérience antérieure avec l’Amérique Latine. Avant de se lancer, il y a 20 ans, dans une nouvelle carrière de professeur d’université en Chine, il a travaillé à Wall Street en tant que spécialiste des marchés d’Amérique Latine. Il a appris à bien connaître l’économie des pays en développement, y compris les pièges classiques. "Ce qui se passe aujourd’hui en Chine n’est pas nouveau. Il existe de nombreuses versions de cette histoire", explique-t-il.
Et chacune de ces histoires se termine par des bouleversements douloureux et un marasme économique. Pour cette année, les économistes s’attendent à ce que la Chine atteigne péniblement une croissance de 4%, soit bien moins que les 5,5% attendus.
Pettis se montre encore plus pessimiste. Il n’exclut pas que la Chine se trouve à la veille de plusieurs années de croissance molle: de 2 à 3% au lieu de la moyenne de 7,7% qu’elle a connue pendant la période 2010-2019 et des 10,4% de moyenne de la décennie précédente. La Chine est le nouveau Japon, un autre pays qui a vu son miracle économique se crasher, et qui se trouve coincé depuis plusieurs décennies dans le bourbier de la stagnation économique.
L’économie chinoise semble aujourd’hui dans l’œil du cyclone: mesures de confinement dues au covid-19, crise de l’immobilier, tensions géopolitiques. Combien de temps l’économie pourra-t-elle encore résister?
Nous n’avons pas encore tout vu. Toutes ces choses qui se sont passées au cours des deux dernières années n’ont fait qu’accélérer un processus déjà en cours. Le cœur du problème est le caractère intenable du modèle de croissance chinois. De nombreux pays ont déjà suivi ce modèle – le Japon dans les années 1980, le Brésil et l’Union Soviétique dans les années 1950 et 1960 – mais la Chine l’a poussé à l’extrême.
C’est un modèle d’importants excédents d’épargne et d’investissements élevés: le pays augmente la part de l’épargne et utilise cet argent pour des investissements domestiques. Cela se fait au détriment des ménages, qui reçoivent en retour une partie moins élevée du gâteau économique – le PIB – et qui consomment moins. La croissance économique est ici principalement alimentée par les investissements – par exemple dans les infrastructures – et non pas par la consommation des ménages.
Est-ce nécessairement une mauvaise chose?
Comme c’est le cas de nombreuses questions en sciences économiques, la réponse est ‘cela dépend’. Dans les années 1970, au moment où la Chine a commencé à se réformer, elle sortait de 50 ans de guerre, de guerre civile et de maoïsme. Sur le plan économique, elle faisait partie des pays les plus pauvres de la planète, avec d’énormes besoins d’investissements: il n’y avait pas de métro, le réseau routier était déplorable, elle comptait très peu d’usines. Le modèle de croissance adopté par les dirigeants a bien réussi sur le plan des investissements. Il y a certainement eu du gaspillage, mais la plupart furent productifs et ont boosté la croissance et la prospérité.
Le problème c'est, qu’à un moment donné, vous avez comblé le fossé entre les investissements dont le pays a besoin et les investissements existants. Ce niveau optimal varie d’un pays à l’autre et se situe pour la Chine à un niveau inférieur à celui des riches pays occidentaux. La Chine a atteint ce niveau il y a une quinzaine d’années. Si le pays continue à investir à tour de bras, de plus en plus de ces investissements sont du gaspillage: leur rendement économique ne compense pas leur coût. Après tout, on n’a besoin que d’un nombre limité de ponts.
Ce qui se passe aujourd’hui en Chine ressemble à s’y méprendre à ce qui est arrivé dans tous les pays ayant suivi ce modèle de croissance: l’endettement du pays – en tant que pourcentage du PIB – augmente. Auparavant, les dettes augmentaient déjà, mais vu qu’il s’agissait d’investissements productifs, le PIB augmentait au moins autant: le taux d’endettement restait donc stable voire diminuait.
La hausse du taux d’endettement signifie-t-elle qu’il faut changer son fusil d’épaule?
Vous devez changer de modèle et remplacer les investissements par une autre source de croissance économique. C’est possible en favorisant la consommation des ménages mais, pour cela, vous devez leur rendre une partie plus importante du PIB. Cela peut sembler facile, mais le problème est que, dans ce cas, vous devez réduire la part d’un autre groupe. Il peut s’agir soit des riches – qui dépensent un plus petit pourcentage de leurs revenus – soit des entreprises, ou encore de l’État. Dans le cas de la Chine, ce transfert de revenus doit venir des autorités locales (qui ont joué un rôle important au cours de la dernière décennie en tant que centre de pouvoir économique, ndlr) (NDLR = L’Echo).
Ce basculement est très difficile. Il y a plusieurs dizaines d’années, l’économiste Albert Hirshman estimait que le passage nécessaire vers un nouveau modèle de croissance équilibré était rendu plus difficile par l’opposition de puissants groupes d’intérêts qui profitaient de l’ancien modèle.
Est-ce la raison pour laquelle nous entendons parler, depuis dix ans, de plans destinés à réorienter l’économie chinoise vers la consommation des ménages, sans résultats significatifs jusqu’à présent?
C’est facile d’un point de vue économique. Mais c’est un problème politique. Vous devez appauvrir les pouvoirs publics locaux au profit des ménages, par exemple en les obligeant à payer de meilleures pensions. Ils pourraient également construire des appartements bon marché et les revendre à prix avantageux aux plus pauvres, ou donner accès aux paysans aux mêmes programmes sociaux que les citadins.
Il faut entièrement faire basculer la structure de pouvoir sous-jacente, ce qui représente un énorme défi. Il ne faut d’ailleurs pas regarder du côté des entrepreneurs de l’internet comme Jack Ma (qui a été durement attaqué par le Parti Communiste, ndlr). Les personnes les plus riches et les plus puissantes ne font pas partie du monde de l’internet, mais évoluent dans des secteurs fossilisés comme celui de la construction.
La réalité, c'est qu’aucun pays ayant suivi ce modèle de croissance n’a réussi à basculer vers une économie basée sur la consommation et la grande majorité d’entre eux s'est retrouvée confrontée à une grave crise financière et/ou à une longue période de croissance apathique.
La Chine se trouve aujourd’hui dans la dernière phase du modèle. Au cours de la première phase, le pays réalise des investissements productifs et connaît une croissance rapide et saine. Dans la deuxième phase, les investissements sont improductifs et la croissance est malsaine. Aujourd’hui, le moment d’un changement douloureux est arrivé parce qu’il n’est plus tenable de réaliser d’importants investissements. L’année 2022 est probablement la dernière année de ce modèle de croissance en Chine.
Sur quoi vous basez-vous pour cette prédiction?
Depuis la pandémie, le ratio d’endettement chinois s’est accéléré. En 2020, il a bondi de 27 points de pourcentage, soit beaucoup plus que la moyenne annuelle de 6 à 7 points de pourcentage. Cette année, entre et 15 points de pourcentage devraient s’y ajouter, ce qui réduit le temps dont la Chine dispose pour s’adapter. Les mesures prises par le gouvernement chinois sont aussi un signe.
Les deux principaux moteurs de l’endettement chinois et des mauvais investissements étaient les infrastructures et l’immobilier. L’an dernier, Pékin a finalement pris des mesures importantes dans le secteur immobilier (en limitant la hausse de l’endettement des promoteurs immobiliers, ndlr). Les dégâts qui en résultent sont énormes, et nous n’avons encore rien vu. Mais cela montre également que les dirigeants chinois ont compris que les choses ne pouvaient pas continuer ainsi.
La crise de l’immobilier a atteint une nouvelle phase. Dans tout le pays, les acheteurs refusent de rembourser leur crédit hypothécaire étant donné que nombreux projets de construction sont à l’arrêt. Faut-il s’en inquiéter?
L’histoire économique nous a appris que toute implosion du marché immobilier était douloureuse. L’immobilier chinois est devenu incroyablement cher: il vaut dans son ensemble trois fois plus que l’immobilier en Europe, alors que l’économie européenne est plus importante que celle de la Chine.
C’est ce qui se passe lorsqu’on a l’impression que les prix de l’immobilier ne peuvent qu’augmenter: les gens adaptent leur comportement. Tout d’un coup, tout le monde emprunte un maximum pour acheter le plus grand appartement possible. Idem pour les promoteurs qui s’endettent à tour de bras. Cette spirale s’est maintenue jusqu’à ce que le gouvernement fixe des limites.
Devons-nous nous attendre à une crise bancaire chinoise étant donné que les banques devront peut-être faire face à de nombreux défauts de paiement?
Une crise bancaire me semble peu probable. Une partie importante du système bancaire chinois est un ensemble fermé et les autorités de contrôle ont énormément de pouvoir. Elles pourront donc restructurer les dettes à volonté si nécessaire. Pour de nombreux observateurs, c’est une bonne chose, même si on peut en douter. Cela pourrait être positif à court terme d’un point de vue politique et social.
Prenez le Japon qui, après l’explosion de la bulle spéculative au début des années 1990, n’a jamais connu de véritable crise bancaire. Mais à long terme, c’est devenu un véritable fardeau pour l’économie japonaise. Je suis d’accord avec les économistes qui disent qu’une crise est une solution douloureuse, mais rapide. L’alternative consiste à éviter la crise et à faire du sur place pendant de nombreuses années, ce qui est plus dommageable à long terme.
Comment voyez-vous la suite pour la Chine?
La Chine peut emprunter l'une des cinq voies suivantes: soit continuer ainsi et voir exploser sa dette, soit remplacer les investissements improductifs par davantage de consommation, soit augmenter les exportations nettes, soit réaliser des investissements productifs dans la technologie, soit supprimer les investissements non productifs sans les remplacer. Dans ce dernier scénario, la croissance ralentira inévitablement. C’est le scénario suivi par les autres pays qui se sont retrouvés dans la même situation.
Le problème posé par le remplacement des mauvais investissements dans l’immobilier et les infrastructures, c'est qu’ils représentent une partie importante de l’économie chinoise. Les investissements chinois équivalent à 40-45% du PIB, ce qui est exceptionnellement élevé par rapport à une fourchette de 15 à 20% en Europe et aux États-Unis, et entre 30 et 35% pour les pays qui investissent beaucoup.
Dans les 40-45%, une partie importante sont des investissements dans l’immobilier et les infrastructures. Même s’ils investissent massivement dans la technologie, ils ne pourront jamais compenser la différence. Le secteur technologique représente généralement une petite partie de l’économie et c’est particulièrement vrai en Chine.
Pour une grande économie comme la Chine, il n’est plus possible d’augmenter encore l’excédent commercial (en exportant encore plus qu’elle n’importe, ndlr) car le monde ne pourra tout simplement pas absorber ce volume supplémentaire. Il n’est possible d’éviter le cinquième scénario que si le pays réussit une redistribution massive des revenus ou s’il parvient d’une manière ou d’une autre à créer une nouvelle et importante source d’investissements productifs.
Certains pensent que cette source pourrait être le big data et l’intelligence artificielle…
Le big data et l’intelligence artificielle peuvent sembler sexy, mais il faut se montrer raisonnable. Même dans un pays puissant comme les États-Unis, ces secteurs représentent une partie négligeable de l’économie. En outre, toutes les big data ne sont pas productives.
Le gouvernement chinois a récemment abandonné son objectif de croissance de 5,5% pour cette année. Aujourd’hui, ce chiffre semble plutôt servir de ligne directrice et non plus d’objectif pur et dur pour les gouvernements locaux. Est-ce une évolution dans le bon sens ou simplement une façon d’annoncer que la croissance sera plus faible?
Cela fait des années que les dirigeants chinois, qui connaissent bien l’économie, plaident pour qu’on abandonne ces objectifs de croissance économique. Quel est le pays qui utilise encore ce type d’objectif? Décider en décembre de la croissance du PIB pour l’année suivante? Cela provoque de la croissance malsaine à cause d’un gaspillage de moyens. Si vous y arrivez avec une croissance saine, c’est très bien, mais ce n’est jamais le cas. Si la pratique perdure, c’est parce qu’elle représente un point de repère économique pour les décideurs politiques.
Faut-il conclure de votre analyse que la Chine se retrouvera piégée dans le célèbre "middle income trap", en d’autres termes, le fait que la plupart des pays émergents ne réussissent pas à faire le saut pour rejoindre le club des pays riches?
Je considère le "middle income trap" comme un concept douteux. Il signifie différentes choses suivant le contexte. Vous pouvez dire que l’Allemagne en est victime. Elle dispose d’un important surplus d’épargne, pas parce que c’est culturel, mais parce que le gâteau économique réservé aux travailleurs est mis sous pression au bénéfice de la compétitivité de son économie exportatrice.
Les travailleurs allemands gagnent beaucoup moins que leurs homologues britanniques par rapport à leur productivité. Pour corriger cette situation et encourager davantage la consommation domestique, il faudrait détricoter à court terme le secteur exportateur. Cela provoquerait beaucoup de résistance. Le Japon connaît la même situation, avec un secteur de l’exportation qui ne réussit pas à franchir le pas vers des salaires plus élevés.
Pour conclure: quid des investisseurs? Doivent-ils rester à bonne distance des actions chinoises ou bien est-ce injustifié compte tenu de la taille du marché?
Le problème avec les actions chinoises, c'est qu’il n’existe pas de lien fort avec la croissance du PIB ni avec les bénéfices des entreprises. En Chine, les cours des actions sont surtout déterminés par la liquidité sous-jacente et par les messages envoyés par le gouvernement. Ce dernier point souligne l’importance de suivre attentivement la politique chinoise.
Quoi qu’il en soit, la Chine demeure une gigantesque économie, avec certaines actions qui devraient très mal se porter dans les années à venir et d’autres qui se comporteront très bien. La décision d’y investir dépend de votre capacité à faire face aux incertitudes économiques et à comprendre l’économie chinoise.
Le résumé
§ Michael Pettis, professeur de finance à l'Université de Pékin, n’exclut pas que la Chine se trouve à la veille de plusieurs années de croissance molle: de 2 à 3% au lieu de la moyenne de 7,7% qu’elle a connue pendant la période 2010-2019.
§ "Aujourd’hui, le moment d’un changement douloureux est arrivé parce qu’il n’est plus tenable de réaliser d’importants investissements. L’année 2022 est probablement la dernière année de ce modèle de croissance en Chine."
§ "Pour une grande économie comme la Chine, il n’est plus possible d’augmenter encore l’excédent commercial car le monde ne pourra tout simplement pas absorber ce volume supplémentaire."
§ "En Chine, les cours des actions sont surtout déterminés par la liquidité sous-jacente et par les messages envoyés par le gouvernement. Ce dernier point souligne l’importance de suivre attentivement la politique chinoise."
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Les superprofits fâchent l'opinion publique
"Je comprends que nos superprofits fâchent l'opinion publique".
Interview de Patrick Pouyanné, CEO de TotalEnergies.
Les phrases clés
§ "Les prix baissent, mais c'est plutôt conjoncturel. Les fondamentaux restent là: en 2023, l'Europe va recevoir moins de gaz russe que ce qu'elle a reçu en 2022."
§ "La recommandation que je peux faire aux pays européens, c'est de diversifier leurs approvisionnements énergétiques et de le faire par des contrats à long-terme."
§ "La guerre a accéléré les décisions en termes d'énergie, pour le climat, mais aussi pour la garantie d'approvisionnement, ce qui est plutôt bien."
Source: L’Echo 29/01/23 – Serge QUOIDBACH & david ADRIAEN.
Article
Citoyens en colère, difficulté d'approvisionnement, marchés disloqués, mais aussi transition à marche forcée, les grands groupes énergétiques enchaînent les défis actuellement. L'Echo a recueilli, à Paris, la vision d'un patron emblématique du secteur, Patrick Pouyanné, CEO de TotalEnergies.
Les temps sont agités pour TotalEnergies. Qu'on en veuille pour preuve cette année 2022 jalonnée de crises: une mise à l'arrêt quasiment complète de ses raffineries françaises à l'automne, la révolte d'une population étranglée par les prix à la pompe face aux profits plantureux de l'entreprise, un procès pour non-respect du devoir de vigilance dans le cadre d'un projet traversant l'Ouganda et la Tanzanie. Et on apprend cette semaine qu'une enquête judiciaire a été ouverte à son encontre pour "pratiques commerciales trompeuses" dans le domaine de l'environnement.
Face à ces assauts frontaux, le patron de l'énergéticien, Patrick Pouyanné, fait feu de tout bois. À trois reprises, il a défendu son bilan et la position de l'entreprise devant l'Assemblée nationale. Communiquer est une nécessité, nous indique-t-il lors d'une interview au 44e étage de l'immense tour du groupe, à la Défense à Paris. "Il le faut. Nous sommes souvent pointés du doigt comme des profiteurs. Il est donc bon d'expliquer aux gens ce qui se passe." Parole, donc, à Patrick Pouyanné.
1 - Aujourd'hui, la crise énergétique
Les prix énergétiques ont reflué sur les marchés depuis le pic de l'été. Voyez-vous une éclaircie?
Les prix baissent, mais c'est plutôt conjoncturel. L'hiver est assez doux, les stockages sont pleins, l'Europe doit importer moins de gaz naturel liquéfié (GNL). Mais les fondamentaux restent là: en 2023, l'Europe va recevoir moins de gaz russe que ce qu'elle a reçu en 2022. Elle va devoir à nouveau réimporter massivement du GNL et ce, alors qu'elle n'a pas encore réglé ses problèmes de capacité de re-gazéification. Il y a donc un problème physique. Et comme l'Europe aura besoin d'importer davantage qu'en 2022, où elle a reçu du gaz russe pendant à peu près la moitié de l'année, la situation va se tendre à nouveau.
Ça va donc être pire en 2023?
Je ne sais pas si ça va être pire, mais ce sera tendu. D'autant plus que l'Europe a pu profiter d'un long moment où l'économie chinoise, grande consommatrice de GNL, a vécu au ralenti. Une des inconnues, c'est de savoir comment la Chine va redémarrer. Pour le pétrole, ce sera également plus compliqué. Il y a deux tendances de fond: d'un côté, une atonie de l'économie mondiale qui tire les prix vers le bas; d'un autre, la position de l'OPEP, qui a démontré qu'elle voulait maintenir les prix relativement élevés. Il y a aussi ce fait nouveau majeur: on ne peut désormais plus parler d'un marché mondial. L'Europe ne veut plus de produits pétroliers russes, le G7 a mis un plafonnement sur les prix du pétrole russe. Cela crée des marchés parcellaires: l'Inde continue à importer du pétrole russe à des prix différents. Comment tout cela va s'organiser? Ce n'est pas très clair.
C'était déjà tendu sur le diesel l'année passée...
... les marges sur le diesel sont 25 dollars par baril de plus que sur le pétrole, ce qui est du jamais vu dans l'histoire du raffinage.
… et on reparle d'une potentielle pénurie de diesel parce qu'à partir du 5 février, l'Europe ne pourra plus importer des produits raffinés du pétrole russe.
Je ne suis pas inquiet en ce qui concerne les réseaux TotalEnergies. Nous allons faire fonctionner notre système de raffinage mondial, notamment en Arabie Saoudite, pour alimenter prioritairement nos réseaux de stations-service en Europe. Ensuite, c'est toujours la même chose: il y a l'approvisionnement, mais il y a aussi le prix. Ce sont donc des coûts de transport supplémentaires. D'où le fait que le marché affiche un prix élevé.
Trouvez-vous assez de pétrole non-russe pour vos raffineries en Belgique et en France?
Oui, ce n'est pas un problème. Depuis mars 2022, nous avons annoncé qu'on sortait du pétrole russe. Nous n'avons signé aucun contrat russe depuis près d'un an. Et aujourd'hui, nous alimentons sans problème nos raffineries. Même en France, lorsque nous avons connu les grèves en octobre, nous avons dû acheter des produits de l'étranger, mais aucun ne venait de Russie. C'est l'avantage de l'entreprise: nous avons un système de négoce mondial. Nous gérons beaucoup plus de millions de barils de pétrole dans notre négoce que ce que nous gérons en production propre.
Vous pouvez donc vivre sans pétrole russe. Qu'en est-il du gaz?
C'est un peu plus compliqué. Le GNL a connu un choc violent. Le marché mondial, c'est 400 millions de tonnes par an. Le gaz russe que l'Europe importait par gazoducs, c'est 100 millions de tonnes par an. Théoriquement, s'il faut remplacer tout le gaz russe par du GNL, il faut détourner 25% du marché mondial vers l'Europe. Dans les faits, l'Europe a détourné, non pas 100 millions, mais près de 50 millions de tonnes. Ce qui fait quand même plus de 10% du marché qui a dû être détourné sur l'Europe du jour au lendemain. C'est un choc, l'Europe l'a fait, mais elle a payé plus cher. Tout le marché du GNL est désormais contraint par l'offre. Et il ne se décoincera pas avant 2025-2026, car quand on regarde les nouveaux projets annoncés, aux États-Unis et au Qatar, ils ne rentreront en production que dans quelques années.
Comment voyez-vous le plafonnement mis en place par l'Europe sur les prix du gaz?
C'est toujours dangereux d'agir politiquement sur des marchés mondiaux. Il était évident qu'il fallait relier le plafond à un prix du GNL international auquel il fallait ajouter une marge. Il ne fallait pas qu'un plafonnement empêche le GNL d'entrer en Europe. Il en résulte que le plafond est très haut, mais l'Europe n'avait pas le choix. Honnêtement, je ne sais pas comment ça va fonctionner dans la réalité. C'est davantage un signal politique envoyé aux marchés qu'un vrai plafonnement. Je n'étais pas un fan de la mesure, mais la façon dont elle a été décidée est un moindre mal.
D'un point de vue géopolitique, n'est-il pas dangereux pour l'Europe de signer des contrats aussi importants avec des pays comme le Qatar?
Quand vous êtes dépendant en énergies comme l'est l’Europe, il faut chercher à se diversifier. C'est ce que nous faisons à notre niveau chez TotalEnergies. Notre GNL vient des États-Unis, d'Australie, du Qatar, de Russie, bref, des quatre plus gros producteurs. Mais aussi d'autres projets en Afrique et au Moyen-Orient. La recommandation que je peux faire aux pays européens, c'est de diversifier leurs approvisionnements énergétiques et de le faire par des contrats à long terme.
L'Europe a-t-elle intérêt à avancer comme un client unique sur les marchés énergétiques?
C'est un concept frappé du bon sens: si l'Europe achète groupé, elle achète davantage, et donc elle achète moins cher. La difficulté, c'est qui achète? Pour les vaccins dans le cadre du covid, l'Europe a pu acheter en gros. Mais j'en ai discuté avec différents leaders européens: les vaccins, vous les mettez dans des boîtes, que vous mettez dans des camions, que vous acheminez partout où vous voulez. En outre, la sécurité sociale des pays achetait des vaccins, les citoyens ne devaient rien payer. Sur ce sujet, on s'est donc retrouvé dans une économie totalement administrée.
Le gaz, c'est beaucoup plus compliqué. C'est un produit commercial avec des prix différents, des marchés différents: vous l'achetez à un moment, mais vous le vendez plus tard, vous avez donc des problèmes de couverture, ça demande de lourdes opérations financières et commerciales, bien plus lourdes que les vaccins. Je ne sais donc pas comment on peut passer des bonnes intentions à la mise en œuvre pratique.
Que pensez-vous du terme "sobriété" qu'Emmanuel Macron utilise également?
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. Je pense que l'on progresse quand on fait face à des obstacles. J'étais gamin en 1979 lors du deuxième choc pétrolier, le gouvernement avait lancé une campagne appelée "la chasse au Gaspi", ça m'a beaucoup marqué. On devait couper les télévisions à 22 heures. Bon, à l'époque, les télévisions étaient en noir et blanc et on n'avait pas beaucoup de programmes (rires). Mais les citoyens s'étaient engagés. Les prix ont ensuite dégringolé sur des décennies et nous avons collectivement oublié tout cela. Mais je ne crois pas qu'il faille y revenir en imposant des contraintes aux gens. Il faut les convaincre que c'est bon pour leur porte-monnaie et pour les émissions.
Vous diminuez le chauffage chez vous?
Bien sûr! Nous avons changé notre chaudière au gaz pour une plus efficace. La nuit, ça tourne à 17°C et le jour à 20°C. Et ça nous va très bien. Dans l'entreprise aussi d'ailleurs, ce qui est assez compliqué dans une immense tour comme celle-ci: en fonction de l'exposition au soleil, il y a des bureaux où il fait froid et d'autres où il fait chaud. D'ailleurs, quand je suis rentré de vacances, j'ai trouvé qu'il faisait un peu chaud... (rires)
Parlons d'un sujet qui fâche: les superprofits...
... ça ne me fâche pas...
... pourtant, au Royaume-Uni, vous avez décidé de désinvestir à cause des taxes annoncées.
Nous avons simplement dit qu'avec une aussi forte hausse du taux de taxation (de 45% à 80%), nous ne pourrions pas investir de la même façon. Ce n'est pas désinvestir, c'est investir moins.
À combien vont s'élever pour vous les taxes sur les superprofits en 2022?
Mondialement, c'est environ 33 milliards de dollars de taxes à travers le monde.
Ça, ce sont les chiffres d'impôts globaux. Quid sur les taxes supplémentaires sur les superprofits?
En ce qui nous concerne, c'est un milliard à l'échelle de l'Union européenne, pour la contribution spéciale de solidarité. Si nous ajoutons le Royaume-Uni, nous dépassons les deux milliards de nouvelles taxes en Europe dans le cadre de la crise énergétique.
En Belgique, cela représente environ 150 millions d'euros. Le raffinage européen a perdu de l'argent pendant plusieurs années et maintenant, l'année où nous commençons à gagner de l'argent, il est surtaxé comme un "superprofit" alors que ce n'est qu'un "profit". Mais je comprends qu'il y a là un sujet sociétal, collectif, compliqué. Et je comprends, comme vous le dites, que ça fâche. Une entreprise comme TotalEnergies a de très bons résultats financiers, et dans le même temps, les gens voient grimper les prix à la pompe. Mais les milliards, nous les gagnons dans les pays producteurs qui ont des fiscalités qui augmentent en fonction du prix, d'où le montant spectaculaire de plus de 30 milliards d'impôts payés par TotalEnergies au niveau mondial.
Il n'y a pas beaucoup d'entreprises qui paient autant d'impôts et taxes, nous sommes dans les 10 plus gros contributeurs au monde. Mais nous payons les impôts là où nous générons les profits, et en fiscalité, on ne paie pas les impôts une deuxième fois dans le pays où siège l'entreprise. C'est compliqué à comprendre socialement, j'en suis conscient. Il est normal qu'il y ait un débat politique et de la pédagogie autour de cette question. Mais nous sommes dans un État de droit, et dans les États de droit, il y a des règles du jeu à respecter.
Exxon a décidé d'attaquer l'impôt de solidarité au niveau européen. Allez-vous vous aussi contester cette taxe?
Non. Il y a sans doute des arguments juridiques, mais je ne veux pas rentrer dans ce débat. C'est une question de responsabilité. Les États prennent des décisions, nous en tirons juste les conséquences : au Royaume-Uni, nous investirons moins.
2 - Demain, la transition énergétique
Après la crise pétrolière, on a vu l'avènement du nucléaire. Que voyez-vous comme changement fondamental de ce type?
Ce qui est frappant, c'est que la politique énergétique ne faisait pas vraiment partie des débats. Elle n'était discutée que sous l'angle du climat. Maintenant, tout le monde en parle. Je suis aussi frappé qu'en Europe, le nucléaire revienne aussi vite au-devant de la scène. La France a relancé son programme, ce n'était pas du tout évident il y a seulement un an. Les Pays-Bas ont aussi décidé de s'y lancer. La Suède également. En Belgique, il y a ce fameux débat sur l'allongement des deux réacteurs. On parle également de petits réacteurs modulaires, les SMR, de la fusion, énergie plus lointaine. Le nucléaire remplit évidemment plusieurs cases: indépendance et décarbonation. Mais je ne pense pas que ce soit la solution unique. La vraie réponse est la constitution d'un panel d'énergies. Il y a aussi le biométhane, qui est aussi local, lié à l'agriculture ou aux déchets. La produire coûte un peu cher, mais c'est le coût de l'indépendance. La guerre a donc accéléré les décisions, pas seulement pour le climat, mais aussi pour la garantie d'approvisionnement, ce qui est plutôt bien.
À l'Assemblée nationale, vous vous disiez déçu du rythme avec lequel vous développiez le renouvelable. Il y a aussi des obstacles locaux?
En Europe, les difficultés pour obtenir de l'espace et des permis traduisent le fait que nous vivons dans un espace plus dense, plus urbanisé. Or, le renouvelable a besoin d'espace. Quand vous êtes dans le désert australien ou au Texas, il n'y a pas de problème, on peut y développer des projets renouvelables plus facilement. En Europe, la valeur de l'espace est plus importante, et ça se traduit par des procédures d'allocation très complexes, et donc très lentes. Frans Timmermans (vice-président de la Commission en charge du climat, NDLR) nous dit qu'il faut accélérer les énergies renouvelables. Les gouvernements hochent du bonnet, mais ce qu'on vit sur le terrain, c'est la lenteur. En fait, l'Europe n'a pas décidé de prioriser le renouvelable. Tout est respectable, bien sûr: l'agriculture, la biodiversité, l'archéologie, le logement, etc. Ce qui fait qu'on se trouve aujourd'hui dans un conflit d'usage de l'espace. Résultat: nous aimerions investir davantage dans le renouvelable, mais l'Europe ne va pas au rythme qu'il faudrait pour atteindre les ambitions.
L'Europe est aussi dépendante de la Chine dans l'approvisionnement de panneaux photovoltaïques, d'éoliennes, etc...
C'est une autre question: l'Europe veut-elle ou non avoir une politique industrielle pour favoriser les industries vertes? L'Inde a décidé que tous les panneaux photovoltaïques et les éoliennes seront manufacturés en Inde. Comment le font-ils? Ils mettent des taxes à leurs frontières. Les Américains viennent aussi de le décider avec leur "Inflation Reduction Act": aujourd'hui, ils reconstruisent des usines de panneaux photovoltaïques aux États-Unis. L'Europe a renoncé. En 2016, elle a retiré les taxes sur les panneaux chinois qu'elle appliquait depuis 5 ans. J'ai dit alors: si vous les enlevez, toutes les usines vont fermer. Et c'est ce qui est arrivé. On m'a répondu: sinon les panneaux photovoltaïques vont être plus chers, donc l'énergie sera plus chère pour les consommateurs.
Soit l’Europe choisit que tout est piloté par le prix de l'énergie pour le consommateur, et à ce moment-là, il ne faut pas se plaindre d'une hyperdépendance à quelques pays et d'une perte d'emplois – le Green Deal ne génère pas beaucoup d'emplois, et c'est un problème. Soit l'Europe se comporte comme les Américains et les Indiens, et accepte que le consommateur paie un peu plus cher. C'est un vrai choix. Dire que l'on va relocaliser sans se donner les moyens économiques et réglementaires, c'est illusoire.
Vous êtes au cœur d'un procès pour non-respect du devoir de vigilance à propos de votre projet pétrolier EACOP en Ouganda et Tanzanie. Le prononcé est le 28 février prochain. Que répondez-vous aux accusations?
La question est de savoir quelle est la portée de la loi sur le devoir de vigilance, ou plutôt quelle est l'obligation qui relève de l'entreprise. En résumé, avons-nous suffisamment décrit le projet et les procédures pour maîtriser ses conséquences? Nous sommes les premiers à être soumis à cette forme de procès (la loi sur le devoir de vigilance a été adoptée en France en 2017, NDLR), notre cas peut faire jurisprudence. Cette affaire amène un autre débat de fond: a-t-on le droit de lancer de nouveaux projets pétroliers en 2023? La réponse est simple: si nous ne le faisons pas, nous allons manquer de pétrole et le prix va continuer à augmenter, ce qui revient aux premières questions de votre interview. Il est faux de croire qu'il est possible de contraindre la demande par l'offre. Si la demande est toujours là, c'est le prix qui fera l'ajustement. Or, pour l'instant, la demande de pétrole ne baisse pas. Au contraire, elle augmente. L'Agence internationale de l'Énergie prévoit que nous allons dépasser les 100 millions de barils par jour en 2023. Pourquoi cette prévision ne baisse-t-elle pas? Parce que la population mondiale augmente.
Quand je suis rentré dans le pétrole, il y a 25 ans, le fossile (charbon, pétrole, gaz) constituait 82% du mix énergétique. Aujourd'hui, il est de 81%. Vous voyez, on n'a pas beaucoup progressé. Et pourtant, dans l'intervalle, le renouvelable s'est énormément développé. Ce qui veut dire que cette nouvelle énergie décarbonée a été absorbée par la croissance de la population mondiale, en gros 1 milliard d'habitants. Et pourquoi la demande est toujours là? Parce que les systèmes qui consomment l'énergie n'ont pas changé. L'Europe est le seul continent qui a décidé de sortir des moteurs thermiques… en 2035. Vous voyez bien: la transition prendra du temps.
Vous vous êtes vous-même fixé un cap de neutralité carbone d'ici à 2050. Reste-t-il possible malgré ce que vous venez de dire?
Oui. Notre décarbonation va passer par notre nouveau métier d'électricien. Avec 5 milliards d'euros par an en 2023, nous sommes dans le top 5 mondial des entreprises qui investissent le plus dans l’électricité renouvelable. La partie hydrocarbure sera en réalité facile à réduire quand la demande baissera. Si nous arrêtons d'investir maintenant, nous déclinons de manière automatique, chaque année, de 4 à 5% la production. Nous sommes une industrie bizarre où, si nous n'investissons pas, nous perdons de la production. Pourquoi? Parce qu'au fur et à mesure que nos puits de pétrole produisent, la pression diminue.
Faites le calcul à l'envers: 4 à 5% par an, si nous voulons diviser par 4 notre production de pétrole, il faut que nous commencions en 2033-2034, pas en 2023. C'est mathématique. En même temps, c'est aujourd’hui, durant cette décennie, que nous devons construire le système décarboné dont nous aurons besoin dans 10 ans. Mais si nous baissons trop tôt la production d'hydrocarbures alors que la demande est là, nous nous priverons de revenus, or il nous les faut pour investir dans nos nouveaux métiers. Le 'quoiqu'il en coûte', ça ne marche pas chez TotalEnergies!
Que pensez-vous de la taxe carbone aux frontières que l'Europe est en train de mettre en place?
Le concept est bon parce que ça permet d'égaliser la concurrence mondiale, et de préserver l'industrie européenne. Mais il va falloir en étendre le périmètre aux nouvelles industries vertes. Une énergie plus chère, un prix carbone de plus en plus élevé… les entreprises pourraient se demander pourquoi continuer à investir en Europe. Si elles traversent l'Atlantique, il n'y a pas de taxe carbone et l'énergie est vraiment moins chère. Il n'y a pas d'autre solution: il faut instaurer une telle taxe carbone aux frontières de l'Union européenne.
Vous avez dit que la taxonomie, qui a finalement inclus le gaz dans les énergies visant à décarboner l'Europe, était "la régulation la plus stupide qu'on n'ait jamais inventée".
C'est une usine à gaz, il faut voir la complexité du texte! De manière générale, quand on est tout seul à faire quelque chose, et que personne d'autre ne suit, il faut toujours se poser des questions… Le capitalisme mondial est d'abord américain. Donc, si les Américains ne le font pas, l'Europe va juste imposer des contraintes supplémentaires sur l’industrie et la finance européenne. Est-ce que ça va régler la question du changement climatique alors que l'Europe représente moins de 10% des émissions? Je n'en suis pas sûr. En Europe, on a toujours tendance à vouloir réglementer alors qu'aux États-Unis, la priorité est d'inciter à l'innovation et l'investissement. D'ailleurs, que le gaz soit ou non dans la taxonomie, cette année, on nous en a demandé plus que jamais auparavant en Europe. Car la priorité, c'est d'amener de l'énergie aux clients européens, pas la taxonomie.
Aparté
150 millions supplémentaires pour Anvers
À Anvers non plus, la vie de TotalEnergies ne coule pas comme un long fleuve tranquille. En avril dernier, le gouvernement flamand ne lui a délivré qu'un permis temporaire de deux ans, plutôt qu'un permis permanent, pour l'exploitation de ses raffineries. En cause, un manque d'ambition en termes d'environnement. TotalEnergies a fait appel, mais entre-temps, ses ambitions environnementales se sont précisées. Patrick Pouyanné nous annonce "une enveloppe de 150 millions supplémentaires sur 5 ans pour accélérer l'efficacité énergétique et la réduction des émissions de la plateforme." Deux nouveaux engagements à la clé: une baisse de 63% d'émissions de SOx en 2026 par rapport à 2019, et une baisse de 41% d'émissions de NOx en 2029 par rapport à 2019.
TotalEnergies va aussi augmenter ses investissements pour diminuer les émissions de son site. Cela passera notamment par l'organisation d'un hub logistique de carbone vers la mer du Nord, notamment via des stockages de carbone en Norvège, aux Pays-Bas et au Danemark. "Il y a un très grand écosystème d'industries à Anvers, nous dit Patrick Pouyanné. Nous discutons beaucoup de réseau de CO2 et de son infrastructure logistique avec nos collègues d'Air Liquide et BASF. Pour rendre rentable la capture et le stockage du carbone, il faudra amortir notre infrastructure sur des gros volumes. Si tout le monde se met à capturer son CO2, il y aura des effets d'échelle."
En France, TotalEnergies utilise certaines de ses raffineries pour transformer de l'huile de cuisson en carburant pour l'aviation. Une nouvelle vie pour le raffinage est-elle envisageable à Anvers? Oui, mais sous une autre forme. "Je préfèrerais y développer les fuels synthétiques, avec du CO2 et de l'hydrogène vert, que les corps gras comme les huiles de cuisson. En plus, vous avez de l'éolien offshore en mer du Nord. En bref, le futur d'Anvers est assuré notamment pour y faire les carburants de demain."
Fin de l’aparté.
Les phrases clés
§ "Les prix baissent, mais c'est plutôt conjoncturel. Les fondamentaux restent là: en 2023, l'Europe va recevoir moins de gaz russe que ce qu'elle a reçu en 2022."
§ "La recommandation que je peux faire aux pays européens, c'est de diversifier leurs approvisionnements énergétiques et de le faire par des contrats à long-terme."
§ "La guerre a accéléré les décisions en termes d'énergie, pour le climat, mais aussi pour la garantie d'approvisionnement, ce qui est plutôt bien."
Interview de Patrick Pouyanné, CEO de TotalEnergies.
Les phrases clés
§ "Les prix baissent, mais c'est plutôt conjoncturel. Les fondamentaux restent là: en 2023, l'Europe va recevoir moins de gaz russe que ce qu'elle a reçu en 2022."
§ "La recommandation que je peux faire aux pays européens, c'est de diversifier leurs approvisionnements énergétiques et de le faire par des contrats à long-terme."
§ "La guerre a accéléré les décisions en termes d'énergie, pour le climat, mais aussi pour la garantie d'approvisionnement, ce qui est plutôt bien."
Source: L’Echo 29/01/23 – Serge QUOIDBACH & david ADRIAEN.
Article
Citoyens en colère, difficulté d'approvisionnement, marchés disloqués, mais aussi transition à marche forcée, les grands groupes énergétiques enchaînent les défis actuellement. L'Echo a recueilli, à Paris, la vision d'un patron emblématique du secteur, Patrick Pouyanné, CEO de TotalEnergies.
Les temps sont agités pour TotalEnergies. Qu'on en veuille pour preuve cette année 2022 jalonnée de crises: une mise à l'arrêt quasiment complète de ses raffineries françaises à l'automne, la révolte d'une population étranglée par les prix à la pompe face aux profits plantureux de l'entreprise, un procès pour non-respect du devoir de vigilance dans le cadre d'un projet traversant l'Ouganda et la Tanzanie. Et on apprend cette semaine qu'une enquête judiciaire a été ouverte à son encontre pour "pratiques commerciales trompeuses" dans le domaine de l'environnement.
Face à ces assauts frontaux, le patron de l'énergéticien, Patrick Pouyanné, fait feu de tout bois. À trois reprises, il a défendu son bilan et la position de l'entreprise devant l'Assemblée nationale. Communiquer est une nécessité, nous indique-t-il lors d'une interview au 44e étage de l'immense tour du groupe, à la Défense à Paris. "Il le faut. Nous sommes souvent pointés du doigt comme des profiteurs. Il est donc bon d'expliquer aux gens ce qui se passe." Parole, donc, à Patrick Pouyanné.
1 - Aujourd'hui, la crise énergétique
Les prix énergétiques ont reflué sur les marchés depuis le pic de l'été. Voyez-vous une éclaircie?
Les prix baissent, mais c'est plutôt conjoncturel. L'hiver est assez doux, les stockages sont pleins, l'Europe doit importer moins de gaz naturel liquéfié (GNL). Mais les fondamentaux restent là: en 2023, l'Europe va recevoir moins de gaz russe que ce qu'elle a reçu en 2022. Elle va devoir à nouveau réimporter massivement du GNL et ce, alors qu'elle n'a pas encore réglé ses problèmes de capacité de re-gazéification. Il y a donc un problème physique. Et comme l'Europe aura besoin d'importer davantage qu'en 2022, où elle a reçu du gaz russe pendant à peu près la moitié de l'année, la situation va se tendre à nouveau.
Ça va donc être pire en 2023?
Je ne sais pas si ça va être pire, mais ce sera tendu. D'autant plus que l'Europe a pu profiter d'un long moment où l'économie chinoise, grande consommatrice de GNL, a vécu au ralenti. Une des inconnues, c'est de savoir comment la Chine va redémarrer. Pour le pétrole, ce sera également plus compliqué. Il y a deux tendances de fond: d'un côté, une atonie de l'économie mondiale qui tire les prix vers le bas; d'un autre, la position de l'OPEP, qui a démontré qu'elle voulait maintenir les prix relativement élevés. Il y a aussi ce fait nouveau majeur: on ne peut désormais plus parler d'un marché mondial. L'Europe ne veut plus de produits pétroliers russes, le G7 a mis un plafonnement sur les prix du pétrole russe. Cela crée des marchés parcellaires: l'Inde continue à importer du pétrole russe à des prix différents. Comment tout cela va s'organiser? Ce n'est pas très clair.
C'était déjà tendu sur le diesel l'année passée...
... les marges sur le diesel sont 25 dollars par baril de plus que sur le pétrole, ce qui est du jamais vu dans l'histoire du raffinage.
… et on reparle d'une potentielle pénurie de diesel parce qu'à partir du 5 février, l'Europe ne pourra plus importer des produits raffinés du pétrole russe.
Je ne suis pas inquiet en ce qui concerne les réseaux TotalEnergies. Nous allons faire fonctionner notre système de raffinage mondial, notamment en Arabie Saoudite, pour alimenter prioritairement nos réseaux de stations-service en Europe. Ensuite, c'est toujours la même chose: il y a l'approvisionnement, mais il y a aussi le prix. Ce sont donc des coûts de transport supplémentaires. D'où le fait que le marché affiche un prix élevé.
Trouvez-vous assez de pétrole non-russe pour vos raffineries en Belgique et en France?
Oui, ce n'est pas un problème. Depuis mars 2022, nous avons annoncé qu'on sortait du pétrole russe. Nous n'avons signé aucun contrat russe depuis près d'un an. Et aujourd'hui, nous alimentons sans problème nos raffineries. Même en France, lorsque nous avons connu les grèves en octobre, nous avons dû acheter des produits de l'étranger, mais aucun ne venait de Russie. C'est l'avantage de l'entreprise: nous avons un système de négoce mondial. Nous gérons beaucoup plus de millions de barils de pétrole dans notre négoce que ce que nous gérons en production propre.
Vous pouvez donc vivre sans pétrole russe. Qu'en est-il du gaz?
C'est un peu plus compliqué. Le GNL a connu un choc violent. Le marché mondial, c'est 400 millions de tonnes par an. Le gaz russe que l'Europe importait par gazoducs, c'est 100 millions de tonnes par an. Théoriquement, s'il faut remplacer tout le gaz russe par du GNL, il faut détourner 25% du marché mondial vers l'Europe. Dans les faits, l'Europe a détourné, non pas 100 millions, mais près de 50 millions de tonnes. Ce qui fait quand même plus de 10% du marché qui a dû être détourné sur l'Europe du jour au lendemain. C'est un choc, l'Europe l'a fait, mais elle a payé plus cher. Tout le marché du GNL est désormais contraint par l'offre. Et il ne se décoincera pas avant 2025-2026, car quand on regarde les nouveaux projets annoncés, aux États-Unis et au Qatar, ils ne rentreront en production que dans quelques années.
Comment voyez-vous le plafonnement mis en place par l'Europe sur les prix du gaz?
C'est toujours dangereux d'agir politiquement sur des marchés mondiaux. Il était évident qu'il fallait relier le plafond à un prix du GNL international auquel il fallait ajouter une marge. Il ne fallait pas qu'un plafonnement empêche le GNL d'entrer en Europe. Il en résulte que le plafond est très haut, mais l'Europe n'avait pas le choix. Honnêtement, je ne sais pas comment ça va fonctionner dans la réalité. C'est davantage un signal politique envoyé aux marchés qu'un vrai plafonnement. Je n'étais pas un fan de la mesure, mais la façon dont elle a été décidée est un moindre mal.
D'un point de vue géopolitique, n'est-il pas dangereux pour l'Europe de signer des contrats aussi importants avec des pays comme le Qatar?
Quand vous êtes dépendant en énergies comme l'est l’Europe, il faut chercher à se diversifier. C'est ce que nous faisons à notre niveau chez TotalEnergies. Notre GNL vient des États-Unis, d'Australie, du Qatar, de Russie, bref, des quatre plus gros producteurs. Mais aussi d'autres projets en Afrique et au Moyen-Orient. La recommandation que je peux faire aux pays européens, c'est de diversifier leurs approvisionnements énergétiques et de le faire par des contrats à long terme.
L'Europe a-t-elle intérêt à avancer comme un client unique sur les marchés énergétiques?
C'est un concept frappé du bon sens: si l'Europe achète groupé, elle achète davantage, et donc elle achète moins cher. La difficulté, c'est qui achète? Pour les vaccins dans le cadre du covid, l'Europe a pu acheter en gros. Mais j'en ai discuté avec différents leaders européens: les vaccins, vous les mettez dans des boîtes, que vous mettez dans des camions, que vous acheminez partout où vous voulez. En outre, la sécurité sociale des pays achetait des vaccins, les citoyens ne devaient rien payer. Sur ce sujet, on s'est donc retrouvé dans une économie totalement administrée.
Le gaz, c'est beaucoup plus compliqué. C'est un produit commercial avec des prix différents, des marchés différents: vous l'achetez à un moment, mais vous le vendez plus tard, vous avez donc des problèmes de couverture, ça demande de lourdes opérations financières et commerciales, bien plus lourdes que les vaccins. Je ne sais donc pas comment on peut passer des bonnes intentions à la mise en œuvre pratique.
Que pensez-vous du terme "sobriété" qu'Emmanuel Macron utilise également?
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. Je pense que l'on progresse quand on fait face à des obstacles. J'étais gamin en 1979 lors du deuxième choc pétrolier, le gouvernement avait lancé une campagne appelée "la chasse au Gaspi", ça m'a beaucoup marqué. On devait couper les télévisions à 22 heures. Bon, à l'époque, les télévisions étaient en noir et blanc et on n'avait pas beaucoup de programmes (rires). Mais les citoyens s'étaient engagés. Les prix ont ensuite dégringolé sur des décennies et nous avons collectivement oublié tout cela. Mais je ne crois pas qu'il faille y revenir en imposant des contraintes aux gens. Il faut les convaincre que c'est bon pour leur porte-monnaie et pour les émissions.
Vous diminuez le chauffage chez vous?
Bien sûr! Nous avons changé notre chaudière au gaz pour une plus efficace. La nuit, ça tourne à 17°C et le jour à 20°C. Et ça nous va très bien. Dans l'entreprise aussi d'ailleurs, ce qui est assez compliqué dans une immense tour comme celle-ci: en fonction de l'exposition au soleil, il y a des bureaux où il fait froid et d'autres où il fait chaud. D'ailleurs, quand je suis rentré de vacances, j'ai trouvé qu'il faisait un peu chaud... (rires)
Parlons d'un sujet qui fâche: les superprofits...
... ça ne me fâche pas...
... pourtant, au Royaume-Uni, vous avez décidé de désinvestir à cause des taxes annoncées.
Nous avons simplement dit qu'avec une aussi forte hausse du taux de taxation (de 45% à 80%), nous ne pourrions pas investir de la même façon. Ce n'est pas désinvestir, c'est investir moins.
À combien vont s'élever pour vous les taxes sur les superprofits en 2022?
Mondialement, c'est environ 33 milliards de dollars de taxes à travers le monde.
Ça, ce sont les chiffres d'impôts globaux. Quid sur les taxes supplémentaires sur les superprofits?
En ce qui nous concerne, c'est un milliard à l'échelle de l'Union européenne, pour la contribution spéciale de solidarité. Si nous ajoutons le Royaume-Uni, nous dépassons les deux milliards de nouvelles taxes en Europe dans le cadre de la crise énergétique.
En Belgique, cela représente environ 150 millions d'euros. Le raffinage européen a perdu de l'argent pendant plusieurs années et maintenant, l'année où nous commençons à gagner de l'argent, il est surtaxé comme un "superprofit" alors que ce n'est qu'un "profit". Mais je comprends qu'il y a là un sujet sociétal, collectif, compliqué. Et je comprends, comme vous le dites, que ça fâche. Une entreprise comme TotalEnergies a de très bons résultats financiers, et dans le même temps, les gens voient grimper les prix à la pompe. Mais les milliards, nous les gagnons dans les pays producteurs qui ont des fiscalités qui augmentent en fonction du prix, d'où le montant spectaculaire de plus de 30 milliards d'impôts payés par TotalEnergies au niveau mondial.
Il n'y a pas beaucoup d'entreprises qui paient autant d'impôts et taxes, nous sommes dans les 10 plus gros contributeurs au monde. Mais nous payons les impôts là où nous générons les profits, et en fiscalité, on ne paie pas les impôts une deuxième fois dans le pays où siège l'entreprise. C'est compliqué à comprendre socialement, j'en suis conscient. Il est normal qu'il y ait un débat politique et de la pédagogie autour de cette question. Mais nous sommes dans un État de droit, et dans les États de droit, il y a des règles du jeu à respecter.
Exxon a décidé d'attaquer l'impôt de solidarité au niveau européen. Allez-vous vous aussi contester cette taxe?
Non. Il y a sans doute des arguments juridiques, mais je ne veux pas rentrer dans ce débat. C'est une question de responsabilité. Les États prennent des décisions, nous en tirons juste les conséquences : au Royaume-Uni, nous investirons moins.
2 - Demain, la transition énergétique
Après la crise pétrolière, on a vu l'avènement du nucléaire. Que voyez-vous comme changement fondamental de ce type?
Ce qui est frappant, c'est que la politique énergétique ne faisait pas vraiment partie des débats. Elle n'était discutée que sous l'angle du climat. Maintenant, tout le monde en parle. Je suis aussi frappé qu'en Europe, le nucléaire revienne aussi vite au-devant de la scène. La France a relancé son programme, ce n'était pas du tout évident il y a seulement un an. Les Pays-Bas ont aussi décidé de s'y lancer. La Suède également. En Belgique, il y a ce fameux débat sur l'allongement des deux réacteurs. On parle également de petits réacteurs modulaires, les SMR, de la fusion, énergie plus lointaine. Le nucléaire remplit évidemment plusieurs cases: indépendance et décarbonation. Mais je ne pense pas que ce soit la solution unique. La vraie réponse est la constitution d'un panel d'énergies. Il y a aussi le biométhane, qui est aussi local, lié à l'agriculture ou aux déchets. La produire coûte un peu cher, mais c'est le coût de l'indépendance. La guerre a donc accéléré les décisions, pas seulement pour le climat, mais aussi pour la garantie d'approvisionnement, ce qui est plutôt bien.
À l'Assemblée nationale, vous vous disiez déçu du rythme avec lequel vous développiez le renouvelable. Il y a aussi des obstacles locaux?
En Europe, les difficultés pour obtenir de l'espace et des permis traduisent le fait que nous vivons dans un espace plus dense, plus urbanisé. Or, le renouvelable a besoin d'espace. Quand vous êtes dans le désert australien ou au Texas, il n'y a pas de problème, on peut y développer des projets renouvelables plus facilement. En Europe, la valeur de l'espace est plus importante, et ça se traduit par des procédures d'allocation très complexes, et donc très lentes. Frans Timmermans (vice-président de la Commission en charge du climat, NDLR) nous dit qu'il faut accélérer les énergies renouvelables. Les gouvernements hochent du bonnet, mais ce qu'on vit sur le terrain, c'est la lenteur. En fait, l'Europe n'a pas décidé de prioriser le renouvelable. Tout est respectable, bien sûr: l'agriculture, la biodiversité, l'archéologie, le logement, etc. Ce qui fait qu'on se trouve aujourd'hui dans un conflit d'usage de l'espace. Résultat: nous aimerions investir davantage dans le renouvelable, mais l'Europe ne va pas au rythme qu'il faudrait pour atteindre les ambitions.
L'Europe est aussi dépendante de la Chine dans l'approvisionnement de panneaux photovoltaïques, d'éoliennes, etc...
C'est une autre question: l'Europe veut-elle ou non avoir une politique industrielle pour favoriser les industries vertes? L'Inde a décidé que tous les panneaux photovoltaïques et les éoliennes seront manufacturés en Inde. Comment le font-ils? Ils mettent des taxes à leurs frontières. Les Américains viennent aussi de le décider avec leur "Inflation Reduction Act": aujourd'hui, ils reconstruisent des usines de panneaux photovoltaïques aux États-Unis. L'Europe a renoncé. En 2016, elle a retiré les taxes sur les panneaux chinois qu'elle appliquait depuis 5 ans. J'ai dit alors: si vous les enlevez, toutes les usines vont fermer. Et c'est ce qui est arrivé. On m'a répondu: sinon les panneaux photovoltaïques vont être plus chers, donc l'énergie sera plus chère pour les consommateurs.
Soit l’Europe choisit que tout est piloté par le prix de l'énergie pour le consommateur, et à ce moment-là, il ne faut pas se plaindre d'une hyperdépendance à quelques pays et d'une perte d'emplois – le Green Deal ne génère pas beaucoup d'emplois, et c'est un problème. Soit l'Europe se comporte comme les Américains et les Indiens, et accepte que le consommateur paie un peu plus cher. C'est un vrai choix. Dire que l'on va relocaliser sans se donner les moyens économiques et réglementaires, c'est illusoire.
Vous êtes au cœur d'un procès pour non-respect du devoir de vigilance à propos de votre projet pétrolier EACOP en Ouganda et Tanzanie. Le prononcé est le 28 février prochain. Que répondez-vous aux accusations?
La question est de savoir quelle est la portée de la loi sur le devoir de vigilance, ou plutôt quelle est l'obligation qui relève de l'entreprise. En résumé, avons-nous suffisamment décrit le projet et les procédures pour maîtriser ses conséquences? Nous sommes les premiers à être soumis à cette forme de procès (la loi sur le devoir de vigilance a été adoptée en France en 2017, NDLR), notre cas peut faire jurisprudence. Cette affaire amène un autre débat de fond: a-t-on le droit de lancer de nouveaux projets pétroliers en 2023? La réponse est simple: si nous ne le faisons pas, nous allons manquer de pétrole et le prix va continuer à augmenter, ce qui revient aux premières questions de votre interview. Il est faux de croire qu'il est possible de contraindre la demande par l'offre. Si la demande est toujours là, c'est le prix qui fera l'ajustement. Or, pour l'instant, la demande de pétrole ne baisse pas. Au contraire, elle augmente. L'Agence internationale de l'Énergie prévoit que nous allons dépasser les 100 millions de barils par jour en 2023. Pourquoi cette prévision ne baisse-t-elle pas? Parce que la population mondiale augmente.
Quand je suis rentré dans le pétrole, il y a 25 ans, le fossile (charbon, pétrole, gaz) constituait 82% du mix énergétique. Aujourd'hui, il est de 81%. Vous voyez, on n'a pas beaucoup progressé. Et pourtant, dans l'intervalle, le renouvelable s'est énormément développé. Ce qui veut dire que cette nouvelle énergie décarbonée a été absorbée par la croissance de la population mondiale, en gros 1 milliard d'habitants. Et pourquoi la demande est toujours là? Parce que les systèmes qui consomment l'énergie n'ont pas changé. L'Europe est le seul continent qui a décidé de sortir des moteurs thermiques… en 2035. Vous voyez bien: la transition prendra du temps.
Vous vous êtes vous-même fixé un cap de neutralité carbone d'ici à 2050. Reste-t-il possible malgré ce que vous venez de dire?
Oui. Notre décarbonation va passer par notre nouveau métier d'électricien. Avec 5 milliards d'euros par an en 2023, nous sommes dans le top 5 mondial des entreprises qui investissent le plus dans l’électricité renouvelable. La partie hydrocarbure sera en réalité facile à réduire quand la demande baissera. Si nous arrêtons d'investir maintenant, nous déclinons de manière automatique, chaque année, de 4 à 5% la production. Nous sommes une industrie bizarre où, si nous n'investissons pas, nous perdons de la production. Pourquoi? Parce qu'au fur et à mesure que nos puits de pétrole produisent, la pression diminue.
Faites le calcul à l'envers: 4 à 5% par an, si nous voulons diviser par 4 notre production de pétrole, il faut que nous commencions en 2033-2034, pas en 2023. C'est mathématique. En même temps, c'est aujourd’hui, durant cette décennie, que nous devons construire le système décarboné dont nous aurons besoin dans 10 ans. Mais si nous baissons trop tôt la production d'hydrocarbures alors que la demande est là, nous nous priverons de revenus, or il nous les faut pour investir dans nos nouveaux métiers. Le 'quoiqu'il en coûte', ça ne marche pas chez TotalEnergies!
Que pensez-vous de la taxe carbone aux frontières que l'Europe est en train de mettre en place?
Le concept est bon parce que ça permet d'égaliser la concurrence mondiale, et de préserver l'industrie européenne. Mais il va falloir en étendre le périmètre aux nouvelles industries vertes. Une énergie plus chère, un prix carbone de plus en plus élevé… les entreprises pourraient se demander pourquoi continuer à investir en Europe. Si elles traversent l'Atlantique, il n'y a pas de taxe carbone et l'énergie est vraiment moins chère. Il n'y a pas d'autre solution: il faut instaurer une telle taxe carbone aux frontières de l'Union européenne.
Vous avez dit que la taxonomie, qui a finalement inclus le gaz dans les énergies visant à décarboner l'Europe, était "la régulation la plus stupide qu'on n'ait jamais inventée".
C'est une usine à gaz, il faut voir la complexité du texte! De manière générale, quand on est tout seul à faire quelque chose, et que personne d'autre ne suit, il faut toujours se poser des questions… Le capitalisme mondial est d'abord américain. Donc, si les Américains ne le font pas, l'Europe va juste imposer des contraintes supplémentaires sur l’industrie et la finance européenne. Est-ce que ça va régler la question du changement climatique alors que l'Europe représente moins de 10% des émissions? Je n'en suis pas sûr. En Europe, on a toujours tendance à vouloir réglementer alors qu'aux États-Unis, la priorité est d'inciter à l'innovation et l'investissement. D'ailleurs, que le gaz soit ou non dans la taxonomie, cette année, on nous en a demandé plus que jamais auparavant en Europe. Car la priorité, c'est d'amener de l'énergie aux clients européens, pas la taxonomie.
Aparté
150 millions supplémentaires pour Anvers
À Anvers non plus, la vie de TotalEnergies ne coule pas comme un long fleuve tranquille. En avril dernier, le gouvernement flamand ne lui a délivré qu'un permis temporaire de deux ans, plutôt qu'un permis permanent, pour l'exploitation de ses raffineries. En cause, un manque d'ambition en termes d'environnement. TotalEnergies a fait appel, mais entre-temps, ses ambitions environnementales se sont précisées. Patrick Pouyanné nous annonce "une enveloppe de 150 millions supplémentaires sur 5 ans pour accélérer l'efficacité énergétique et la réduction des émissions de la plateforme." Deux nouveaux engagements à la clé: une baisse de 63% d'émissions de SOx en 2026 par rapport à 2019, et une baisse de 41% d'émissions de NOx en 2029 par rapport à 2019.
TotalEnergies va aussi augmenter ses investissements pour diminuer les émissions de son site. Cela passera notamment par l'organisation d'un hub logistique de carbone vers la mer du Nord, notamment via des stockages de carbone en Norvège, aux Pays-Bas et au Danemark. "Il y a un très grand écosystème d'industries à Anvers, nous dit Patrick Pouyanné. Nous discutons beaucoup de réseau de CO2 et de son infrastructure logistique avec nos collègues d'Air Liquide et BASF. Pour rendre rentable la capture et le stockage du carbone, il faudra amortir notre infrastructure sur des gros volumes. Si tout le monde se met à capturer son CO2, il y aura des effets d'échelle."
En France, TotalEnergies utilise certaines de ses raffineries pour transformer de l'huile de cuisson en carburant pour l'aviation. Une nouvelle vie pour le raffinage est-elle envisageable à Anvers? Oui, mais sous une autre forme. "Je préfèrerais y développer les fuels synthétiques, avec du CO2 et de l'hydrogène vert, que les corps gras comme les huiles de cuisson. En plus, vous avez de l'éolien offshore en mer du Nord. En bref, le futur d'Anvers est assuré notamment pour y faire les carburants de demain."
Fin de l’aparté.
Les phrases clés
§ "Les prix baissent, mais c'est plutôt conjoncturel. Les fondamentaux restent là: en 2023, l'Europe va recevoir moins de gaz russe que ce qu'elle a reçu en 2022."
§ "La recommandation que je peux faire aux pays européens, c'est de diversifier leurs approvisionnements énergétiques et de le faire par des contrats à long-terme."
§ "La guerre a accéléré les décisions en termes d'énergie, pour le climat, mais aussi pour la garantie d'approvisionnement, ce qui est plutôt bien."
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LucH
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Albert Einstein
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